Quand, en 1988, on propose à Tim Burton de reprendre comme héros la célèbre figure de comics créée par Bob Kane, il fait évidemment appel à Danny Elfman, qui lui compose toutes ses musiques de films, mais aussi et surtout au Nain poupre qui a participé à dynamiser et dynamiter l’univers vieillissant et kitsch de Batman. Après coup, la musique, comme le dyptique Batman de Burton, a pris un coup de vieux, mais on ne saura jamais assez les remercier, au même titre que Franck Miller, pour cet effort louable de modernisation d’un héros né tout de même en 1939.
En attendant une chronique CD que je dois fournir pour Ladies Room, je vais me plaindre en musique du temps qui sévit sur le nord de la France en ce mois de juillet. Il paraît que ça va changer à partir de ce dimanche, mais trouvez-vous ça normal qu’on soit obligés de danser le rock sous des trombes d’eau un 13 juillet ? Même si ça favorise l’imagination et le rapprochement des corps de certains, il se trouve que cela favorise surtout la laryngite.
Donc un été anglais qui ressemble à un temps de Toussaint sur la Côte d’Azur : je me dis qu’heureusement, j’ai pris mes vacances en août. Et dans ma tête, qui dit météo anglaise dit pop larmoyante et suicidaire qui va avec. Ouais, c’est drôle comme j’ai limite pas envie d’écouter du samba en buvant une caïpirinha. Mais plutôt envie de m’exploser à la vodka en regardant le ciel chialer par la fenêtre et en caressant un chat noir et mélancolique. Miossec, si tu me lis, j’ai peut-être quitté la Bretagne, mais grâce à toi, j’y retournerai toujours => effet mélancolique que je trouve fort à propos.
Voici donc la bande-son de ce mois de juillet aussi joyeux qu’une tempête le 11 novembre sur la pointe St-Matthieu :
Rover, Aqualast
Il ressemble à Chateaubriant et sa chanson ressemble à du Thom Yorke qui a oublié son Valium, mais malgré tout, ce monsieur est bel est bien français, même si fils d’expatriés et ayant bourlingué un peu partout dans le monde au point d’avoir été au lycée avec certains membres des Strokes à New-York. Comme Revolver qui copie avec brio les Beatles, Timothée Regnier – qui déclare s’inspirer de Bowie, de Gainsbourg, de Dylan et des Beach Boys (?) – place dans sa musique tout ce qu’il y a de plus dépressif dans la brit-pop, encore une fois avec maestria. Même si ce premier titre, malgré sa beauté, donne envie de se pendre à une corde, ça me donne bien envie d’explorer le reste de l’univers de cet artiste. Il paraît que l’album a été enregistré en Bretagne. A vrai dire, ça ne m’étonne même pas.
Lana del Rey, Blue jeans
Encore une fois, Lana frappe très fort. Sa chanson peut à la fois servir de slow langoureux pour une première nuit caliente qui contrebalancerait la température extérieure et de chanson cathartique quand tu repenses à tes vacances au début octobre en regardant par la fenêtre, un pot de Haagen-Dasz à la main et des pleurs sur les joues – quoique, bien souvent, ce soit la même chanson dans les deux cas la plupart du temps. Tellement langoureux et mielleux qu’elle aurait pu servir de bande originale à des scènes de pleurs dans Bridget Jones.
Radiohead, High and dry
Radiohead, c’est, selon moi, ce que l’on peut faire de plus meurtrier en termes de brit-pop. Ce sont certes de très belles mélodies, mais tellement tristes que, même avec une patate d’enfer et l’envie de gambader partout dans la ville, tu écoutes ne serait-ce que l’intro, et juste t’as envie d’entrer dans la spirale la stratégie de l’échec. Personnellement, quand j’écoute cette chanson, j’ai éternellement 13 ans, on disserte éternellement dans la chambre de ma meilleure amie, sur son lit, et on regarde en boucle Le péril jeune. La mélancolie et les affres de l’adolescence, quoi.
Coldplay, What if
Aaaaah, l’époque bénie où Coldplay ressemblait davantage à Radiohead qu’à U2. C’était avant la rencontre avec Brian Eno, avant le mariage avec Gwyneth Paltrow… A l’époque où Chris Martin n’avait pas besoin de se peinturlurer la gueule en fluo et de sauter partout, quoi. Je ne dis pas que le nouveau Coldplay a perdu cette verve mélancolique inhérente aux groupes de brit-pop, mais ça, en contemplant le front de mer brestois sous le crachin, je peux vous dire que ça vous colle plus un décor que Wow it’s a wa-a-a-a-a-a-terfall ! A wa-a-a-a-a-terfall !
The Verve, The drugs don’t work
S’il y a bien une chanson à ne pas écouter un après-midi d’été pourri et de désoeuvrement, c’est celle-ci. Parce que là, ce n’est pas la mélancolie du soleil caché qui te tombe dessus, mais carrément une grosse déprime. L’écouter en boucle est un signe de sévère dépression, tous les psychiatres vous le diront. Malgré tout, cela reste l’une des plus belles œuvres, selon moi, de ce que la brit-pop et la musique d’une façon générale est capable d’offrir au monde entier : l’expression des sentiments les plus purs, les plus profonds, voire les plus tourmentés de l’espèce humaine. Dans mes rêves les plus dingues, il suffirait juste qu’on fasse écouter aux autres des morceaux correspondant à notre état d’esprit pour que les autres nous comprennent. Mais je digresse, pardon.
Et parce que la pluie, ce n’est pas forcément que la mélancolie, voici ces bonus tracks :
Georges Brassens, Le parapluie
Parce qu’avec Brassens, il fait beau même quand il fait moche. C’est peut-être l’un des clichés les plus flatteurs que l’on puisse avoir avec les Méditerranéens, c’est qu’ils apportent le soleil partout. Et puis cette chanson d’une rencontre sous un parapluie est tellement mignonne qu’on a presque envie qu’il pleuve tous les jours… Ou alors d’oublier son parapluie en rêvant qu’un charmant jeune homme daigne nous abriter sous sa coupe… Ouais, c’est ça, on peut rêver.
BJ Thomas, Raindrops keep falling on my head
Autre chanson qui donne envie de marcher sous la pluie avec un sourire niais, tel un Gene Kelly dans Chantons sous la pluie. La reprise de Sacha Distel est over-kitschissime, mais on retrouve le même esprit de fête, de joie, de chabada. En fait, c’est ça le secret : pour apprécier la pluie en été, il faut soit avoir emporté sa bouteille de gel douche dans son sac, soit être amoureux.
Allez, gens de la France du Nord, arrêtez de vous plaindre. Puisque Météo France nous dit qu’à partir de dimanche…
Récemment, le groupe Exsonvaldes – que je soutiens depuis mon arrivée à Paris – sort un nouveau single, intitulé Days, en préambule d’un nouvel album prévu pour la fin d’année. Une chanson péchue, dynamique, bien écrite – selon moi –, simple sans être simpliste. Pour accompagner la sortie de ce single, ils ont décidé de diffuser un petit clip home made mettant en scène le groupe filmé par des iPhone et des iPad. Jusque là, tout va bien.
Sauf qu’à la suite d’une diffusion dudit clip sur 4Chan, le clip diffusé sur YouTube a été victime de la vindicte des membres du forum qui ont disliké le clip et commenté au choix par Apple ad (normal) ou plus encore par Hipster faggots. Quand les membres du groupe s’en sont aperçus, la vidéo était déjà bien pourrie de commentaires de haters. Ce n’est qu’Internet, les pauvres ne savaient pas ce qu’était 4Chan et son concentré du pire de l’Internet. Mais cela leur a quand même donné un coup au moral. (*câlin*)
Alors je me suis mise à réfléchir sur le fait que les réseaux sociaux puissent tolérer, voire encenser ceci :
et puissent pourrir un pauvre clip DIY sorti de nulle part. Désolée, mais ça me dépasse.
Je comprends bien qu’Internet, de par son aspect volatil et incontrôlable, est une extrapolation de la pensée humaine non censurée, et qu’on peut y retrouver le meilleur comme le pire. Je suis bien consciente que, dans ce cas précis, j’émets un jugement de valeur musicale. Mais cette réaction gratuite, malsaine, et finalement totalement disproportionnée par rapport au clip m’a mis le seum. Franchement. Et ce n’est pas parce que je connais Exsonvaldes depuis quelque temps.
J’estime que ce genre d’attaque va à l’encontre de la critique musicale pure. D’ailleurs, les petits malins qui traînent sur 4Chan et passent leur temps à perpétrer ce genre de choses savent-ils au moins que la musique n’est pas seulement une extension du monde pervers d’Internet, que ce sont des vrais gens qui créent des sons et les assemblent ? Je me demande même s’ils sont encore en vie une fois unplugged. Leurs perspectives de vie me rappellent ce groupe Facebook : Je suis sorti une fois dehors, mais les graphismes n’étaient pas terribles.
En même temps, on donne bien le crédit qu’on veut aux commentaires de haters. Il en est de même que certaines critiques musicales peuvent être gratuitement assassines : s’il avait fallu en écouter certaines, certains groupes n’auraient même pas pu poursuivre la carrière qu’on leur connaît. Non, là, ce qui est manifeste, c’est que l’attaque de 4Chan ne s’attaque pas forcément à la musique, ce qui me rend davantage en colère. C’est juste que le fait que cette vidéo puisse se retrouver sur Internet est totalement contraire à leur jugement de valeur, et ils ont décidé que cela n’avait pas lieu d’être. Bande de nazes.
En tout cas, je vous conseille tous d’écouter Exsonvaldes, ne serait-ce que pour parfaire votre culture musicale. En ce qui me concerne, connaissant les œuvres précédentes du groupe, je trouve que Days augure une très bonne phase artistique pour le groupe.
Issu du troisième album du groupe – celui qui le conduira à la notoriété durable –, ce morceau se distingue par une mélodie très reconnaissable, limite enfantine, et des paroles au contraire très lourdes, où le chanteur Thom Yorke parle de quitter la vie moderne pour un retour à une vie plus simple. Cette chanson reste l’une des chansons les plus emblématiques du groupe, qui relaie une certaine forme de mélancolie et de lassitude par rapport au monde moderne.
The Stooges, I wanna be your dog (The Stooges, 1969)
Avec un phrasé punk et une thématique autour de la soumission sexuelle, Iggy Pop et ses comparses détonnent en cette période de flower power. Le succès de la chanson tient tant dans les paroles que dans ces trois riffs hypnotiques. Par la suite, cette chanson a été reprise par David Bowie, mais aussi par Emilie Simon.