10, 20, 30, 40, 50 : la classe 3 en musique

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Nous sommes le 31 janvier 2023 et c’est encore l’heure de vous souhaiter la bonne année. J’espère qu’elle vous sera joyeuse et prospère malgré les difficultés.

La classe 3, pour moi, c’est particulier. En effet, dans deux mois, je fête un chiffre rond – 4*10 ans. Et quand je me souviens de mes 10 ans, mes 20 ans, mes 30 ans, je me souviens d’années très pleines, où beaucoup d’espoirs étaient permis, mais où des doutes persistaient encore. Bref, que ce soit 1993, 2003 ou 2013, ces passages au chiffre rond ont réellement été symboles de nouveaux départs, du moins de nouvelles perspectives. 2023 n’y coupera pas, mais ça, c’est une autre histoire.

Qui dit nouveau départ personnel dit musique qui va avec. Pour le coup, ça va être compliqué de faire un choix définitif des chansons de 1983 encore écoutables, tant j’estime être née une année où la musique a pulsé un max. Je sais aussi que l’année de mes 10 ans et de mes 30 ans va aussi demander des choix cornéliens, puisque ce sont des périodes où je pensais être submergée de nouvelles influences musicales.

Et je m’aperçois que cette année 2023 est la dernière fois que je proposerai ce genre d’article, puisqu’on a commencé avec le Mari cette idée en 2014. Pour la dernière fois, donc, je vous propose ce voyage dans le temps…

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1973 : 50 ans après

Chansons écoutables

Version française : Yves Simon – Au pays des merveilles de Juliet

Au milieu des couples qui chantent les gondoles dans une ville italienne cliché et les vaches dans une région du Nord-Ouest de la France, l’hommage d’Yves Simon à l’actrice Juliet Berto n’est pas forcément un hiatus, mais un petit air frais dans cette dégringolade de guimauve. Il faut dire que, quand j’ai vu le hit-parade français de l’époque, je me suis rappelée pourquoi je trouvais la musique merdique en 1973. Il y a éventuellement Hugues Auffray qui sauve la mise, mais nom de Dieu, les anciens yéyés qui se recyclent ne le font pas tous avec bonheur.

Version internationale : Pink Floyd – Money

Ca fait partie quand même des trucs légendaires, même si ce n’est pas mon Floyd préféré. J’ai presque l’impression cinquante ans après, avec toute l’analyse qu’on a pu faire dessus, que même Money ne se suffit pas à soi-même et que c’est en cela que Dark Side Of The Moon dépasse le stade de l’album pour être une expérience à part entière.

Chansons inaudibles

Version française : Sheila & Ringo – Laisse les gondoles à Venise

J’ai beau être en couple depuis déjà dix ans avec le Mari, cette chanson me file toujours autant de l’urticaire, d’autant plus quand on sait comment a tourné le couple phare de cette année-là.

Version internationale : Demis Roussos – Forever And Ever

Quand je vous dis que je n’aime pas la guimauve…

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1983 : 40 ans après

Chansons écoutables

Version française : Michel Berger – Les princes des villes

Parce que j’en ai marre de poster du Jean-Jacques et que j’avais un poil honte de poster du Céline Dion, j’ai donc choisi l’autre gros taulier des années 1980 en France, dont je ne suis pas forcément partisane de tout le répertoire. Mais Les princes des villes représente pour moi un Michel Berger tel que j’aurais toujours voulu qu’il soit : avec un peeeu plus de peps que d’habitude et qu’il s’autorise enfin à intégrer du funk et du jazz de manière totalement assumée. Dans la balance, il y avait aussi tout l’album Morgane de toi de Renaud, une chanson en particulier, mais ce serait trop spoiler.

Version internationale : U2 – Sunday Bloody Sunday

Parce que mettre Let’s Dance de David Bowie a été beaucoup trop notifiée sur ce blog et que tout Thriller de Michael Jackson est issu d’un album sorti en novembre 1982, j’avoue, il y avait encore beaucoup d’éléments dans la balance. Pour vous dire, Sunday Bloody Sunday s’est imposée en finale dans ma tête face à Sweet Dreams d’Eurythmics. Preuve que j’ai eu la chance de naître une année où la musique s’est avérée excellente.

Chansons inaudibles

Version française : Hervé Vilard – Méditerranéenne

La GROSSE trend de la fin des années 1970 et 1980 dans la variété française, c’est que dès qu’un chanteur commence à avoir une perte de vitesse, il appelle à la rescousse Toto Cotugno pour adapter une de ses chansons. C’est ainsi qu’Hervé Vilard, qui était alors conservé dans le formol depuis 1968, a décidé d’adapter L’Italiano sortie la même année et qui a cartonné. De surcroît, Claude Barzotti cartonnait de son côté avec Le Rital. Il ne manquait plus que Richard Cocciante et la fête aurait été au complet, d’autant plus que, pour faire fantasmer avec l’Italie, on avait déjà l’italo-disco pour concurrencer tout ce beau monde.

Version internationale : Patrick Duffy & Mireille Matthieu – Together We’re Strong

Tiens, ça faisait DES ANNÉES que je n’avais pas tapé sur Mireille Matthieu ! Surtout qu’elle a décidé de s’associer à Bobby Ewing pour relancer sa carrière en mode disco girl. De un, elle a cinq ans de retard. De deux, que dire… Je vous laisse juger sur pièce.

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1993 : 30 ans après

Chansons écoutables

Version française : Alain Souchon – Foule Sentimentale

Déjà, l’album C’est déjà ça est un bijou, mais il est d’autant mieux porté par cette chanson qui a tellement intégré le patrimoine de la chanson française qu’elle a été élue chanson originale pour les vingt ans des Victoires de la musique en 2005. La poésie d’Alain Souchon y est à son meilleur, et le plus fort, c’est qu’elle n’a même pas été composée par Laurent Voulzy.

Version internationale : Haddaway – What Is Love

J’ai éternellement dix ans, je suis éternellement en CM2 à aller de boum en boum et à embrasser mon premier petit copain. Voilà le feeling de cette chanson.

Chansons inaudibles

Version française : Hélène Rollès – Je m’appelle Hélène

J’ai éternellement dix ans, je rentre au collège où je me fais pourrir la gueule, les autres commentent tous les épisodes d’Hélène et les garçons, alors je suis pour essayer d’endiguer les dégâts, mais surtout, je suis solidaire de ma meilleure amie de l’époque qui portait ce prénom et qui se faisait copieusement pourrir la gueule. Donc pas merci Jean-François Porry et Gérard Salesses pour cette chanson niaise chantée par une fille dont le talent vocal est inexistant.

Version internationale : UB40 – (I Can’t Help) Falling In Love With You

Déjà, reprendre Elvis quand on n’a pas son charisme est une entreprise risquée. Mais de surcroît quand tu es un groupe moyen dans les années 1980 et que tu te contentes de ça pour relancer ta carrière, on peut dire que c’est minable. Enfin, ça a été la bande originale d’un film très oubliable, Sliver, qui a essayé de profiter de l’aura de chaudasse de Sharon Stone dans la foulée de Basic Instinct. Bref, UB40, ce n’est pas avec ça que vous remontez dans mon estime.

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2003 : 20 ans après

Chanson écoutables

Version française : Raphaël & Jean-Louis Aubert – Sur la route

Je peux dire que là, c’est plus la nostalgie qui parle que la vraie adhésion. Du haut de mes vingt ans, et après une année 2002 éprouvante, c’est la seule chanson qui ne me fasse hérisser le poil, c’est pour vous dire.

Version internationale : Coldplay – The Scientist

… Oui, ça n’allait VRAIMENT pas fort, hein.

Chansons inaudibles

Version française : Kyo – Dernière danse

Oui, Kyo représente ce que je supporte le moins de cette période. Et pourtant, en face, il y avait la Star Academy, la Nouvelle Star et Pop Stars qui n’ont pas sorti que des hits.

Version internationale : Dido – White Flag

Ici, je dénonce davantage le matraquage à l’époque que la chanson en elle-même. Je n’ai jamais aimé Dido, elle ne m’a jamais touchée, mais en plus, le fait qu’elle ait autant de succès me dépassait.

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2013 : 10 ans après

Chansons écoutables

Version française : Stromae – Formidable

On peut dire avec le recul que Stromae adopte la même formule depuis 2011, mais force est de constater que, lorsqu’il sort un projet, il fait mouche. Je me rappelle encore de ma propre réaction la première fois que j’ai été confrontée au clip : j’étais époustouflée par l’interprétation du texte. Ca me fait ça à chaque fois avec Stromae.

Version internationale : Daft Punk & Pharell Williams – Get Lucky

Il n’y a pas de chanson qui crie plus 2013 que ce chant du cygne du duo français qui revient après huit ans sans album en leur nom propre – ils ont fait entretemps la bande originale de Tron : Legacy (2010). D’ailleurs, la sortie de Get Lucky a tellement suscité l’événement que les radios se sont mis à chercher la version originale avant même la sortie officielle. Ce qui fait que Fun Radio s’est procuré un leak qui était en fait un mix alternatif. Mais il faut dire qu’entre Pharrell Williams au chant et Nile Rogers dans le backing band, ce morceau avait tout pour être instantanément iconique, même dix ans après.

Chansons inaudibles

Version française : (Maître) Gims – Bella

Après le succès de Sexion d’Assaut au début des années 2010, celui qui ne se faisait pas encore appeler Gims sortit un premier album qui envahit toute la France. La preuve qu’il n’était pas au coup d’essai de la saoulerie quand il a sorti Sapés comme jamais (2016).

Version internationale : Pharrell Williams – Happy

Pharrell Williams chez Louis Vuitton, Pharrell Williams avec Daft Punk, Pharrell Williams avec un one hit wonder qui a écrit une autre chanson problématique de 2013 (on te soutient ici, Emily Ratajkowski), Pharrell Williams qui t’ordonne d’être heureux ad nauseam, Pharrell Williams dans ton c*l,  même dix ans après. Qu’est-ce qu’il était plus cool et moins crispant quand il était avec N.E.R.D ou les Neptunes, franchement.

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

2022, année creuse et intense

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Je n’ai pas beaucoup écrit cette année, parce que cela fait partie des années -2 qui m’ont usée physiquement et psychologiquement (comme 1992, 2002 et 2012). Du coup, mon univers musical s’en est trouvé très réduit. J’ai quand même fait des sessions musicales intéressantes, notamment avec mes collègues chéris. Mais qui dit année douloureuse dit repli musical, et force est de constater que 2022 ne m’a pas enrichie sur ce point. L’approche de la quarantaine, peut-être.

Le format blog également joue pour beaucoup sur mon manque de motivation aussi. J’écris d’autres projets sur d’autres plateformes, et même, je trouve Instagram plus pratique et plus instantané pour partager mes humeurs musicales. Car l’approche de la quarantaine et l’écoute massive de radio Nostalgie ne m’empêche pas de (re)découvrir des pépites, à l’image d’Elvis Costello, dont le 32e album, The Boy Named If, vient de nous être gracieusement offert par ma sœur à Noël. J’avoue que son répertoire m’attire de réputation, mais que je n’ai jamais eu la curiosité d’y jeter une oreille. Bilan : c’est très agréable, mais ce que je trouve dommage, c’est l’absence de mélodie earworm qui te marque une identité artistique.

En rédigeant cet article, le Mari se demandait ce qu’il avait retenu lui-même de 2022. Et nous en tirons la même conclusion : nous avons plus été hypés par les rééditions de vieux albums ou par la sortie d’albums d’artistes connus que par la nouvelle scène qui, de toute façon, ne nous correspond plus. Je veux bien, Dua Lipa, Kendji Girac, Olivia Rodrigo, Lomepal, même OrelSan, etc., c’est bien gentil, mais je n’accroche plus. A vrai dire, je n’en suis plus au stade où un.e artiste est capable de me soulever d’enthousiasme comme ça a été possible par le passé.

Il est temps maintenant de faire ce petit bilan de cette année.

Laissez-moi, je vais vous ralentir

Je crois que ma grosse trend de 2022, comme un avatar du temps qui a passé et qui me fait me traîner comme une vachette qui porte son premier veau, c’est le slowed + reverb. Je sais que cette tendance date d’au moins de 2017 et que ça a été très populaire sur TikTok en 2020 et 2021. Même le Mari, quand je lui ai fait écouter What Is Love ? de Haddaway slowed + reverb, m’a balancé : On faisait ça pour rigoler il y a vingt ans sur nos ordis pour rigoler, quel est l’intérêt ? Sauf que, pour moi, l’intérêt est double :

  • Je vois ça comme un bon curseur de recréation et de réappropriation artistique de morceaux qui paraissent datés ou hors contexte. Les morceaux qui m’intéressent
  • Cela peut s’avérer un bon outil d’analyse de la construction mélodique et de la production. C’est comme ça que j’ai repéré, par exemple, une dissonance mélodique dans le refrain de Rasputin de Boney M (le choral en accord majeur et l’orchestration qui finit sur le même accord, mais en mineur, chose à laquelle on ne fait pas forcément attention dans la version originale), des pains ? des maladresses intentionnelles ? dans l’orchestration de Gimme Gimme Gimme d’ABBA ou encore ce que donnerait la voix de Britney Spears si elle chantait réellement avec son timbre de voix qu’on pourrait qualifier de naturel.

Mais attention ! Une version trop « ralentie » d’une chanson donne l’aspect bizarroïde qu’on ne veut pas avoir avec cette trend. Je dirais que le bon curseur, c’est de baisser à un ton ou trois demi-tons grand maximum. En-dessous, les voix sont déformées. Je remarque également que cette version me touche quasi-exclusivement sur des sons dancefloor. Comme si ma tendance à aimer les boîtes de nuit dans ma jeunesse devait s’adapter à ma mobilité qui s’amoindrit.

Voici les quelques pépites qui m’ont fait vibrer cette année.

Haddaway – What Is Love?

L’une de mes premières découvertes du mouvement, je trouve justement que cette version est parfaite.

Rihanna feat. Calvin Harris – We Found Love

La version originale a été en rotation lourde du début de l’année 2021, il était donc logique que j’entame 2022 avec cette pure version.

Jennifer Lopez feat. Pitbull – On The Floor

Autant la version de 2014 me casse les nerfs, autant je trouve cette version parfaite.

Britney Spears – Gimme More

Quand je dis que la tendance slowed + reverb fait ressortir le timbre de voix supposément naturel de Britney Spears, je parle spécifiquement qu’elle « gomme » les intonations les plus pétasses qu’on n’impose pas seulement à cette chanteuse, mais à toute chanteuse pop américaine. Sérieusement, il faut en finir avec cette tendance à « rajeunir » vocalement les égéries Disney et à leur faire chanter à 30 ans comme si elles en avaient encore 14.

Boney M – Rasputin

M’enfin là, ça fait Santa Esmeralda ! Et en plus, on se fait chier !

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Summer of City Pop

La tendance slowed + reverb appartient à la grosse tendance vaporwave de 2017 et je remercie Chien Fou pour l’illustration.

La suite logique est que je m’intéresse à la city pop et ses avatars occidentaux. Chien Fou encore m’a fait découvrir Mariya Takeuchi, mais ma connaissance de la city pop se limite essentiellement aux opening de manga des années 1980, quand beaucoup d’otakus poussent le vice jusqu’à chanter les plus grands tubes japonais des années 1980 en karaoké. Je n’en suis pas encore à ce stade, mais étant donné que mon été 2022 a été doux-amer, je me suis penchée sur les sons de l’époque, et pas forcément du Japon.

Mariya Takeuchi – Miracle Love

Voici une chanson dont, il y a dix ans, je me serais gaussée pour son excès de sentimentalisme. La preuve que je me suis ouverte à une certaine forme de variété, pourvu qu’elle intègre un référent culturel différent du mien. La même chanson avec des paroles françaises et chantée par Louane n’aurait pas eu le même effet sur ma sensibilité. Comme beaucoup de petits branleurs, il a suffi que ce soit chanté en japonais pour que je m’extasie.

Jan Hammer – Crockett’s Theme

La preuve que ma nostalgie des années 1980 ne s’est pas limitée à l’italo-disco cette année, ce morceau de Jan Hammer tourne en boucle dans mes oreilles depuis le mois de juillet. Assez lancinant pour accompagner ma mélancolie, assez basique pour ne pas déborder sur mes sentiments, je pourrais dire que ce morceau tiré de la série Deux flics à Miami (que j’adorais à l’époque) est définitivement mon morceau qui résumerait 2022.

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Événements musicaux

Malgré tout, j’ai réussi à me dégager dans cette année émotionnellement chargée des petits impromptus musicaux. Ils furent rares – et je pense qu’ils le seront de plus en plus –, mais appréciables.

Concerts

Cette année, pas de session Vieilles Charrues avec mes cousines ni même Gims à la Fête du Blé, mais deux concerts prévus dès Noël 2021 pour faire plaisir au Mari

29 mars – Lloyd Cole – Le Bataclan

Le Mari concert Lost Weekend comme un de ses morceaux préférés, et, à la lumière d’un best of, se mit à considérer sa carrière de manière positive. C’est pourquoi quand il fallut faire des cadeaux pour Noël 2021 et que je vis son passage en France, je sautai sur l’occasion.

Ce fut un concert acoustique en guitare-voix assez agréable, mais on sent le poids du one hit wonder obligé de faire son principal tube de manière contractuelle pour plaire à un public de quinquagénaires nostalgiques. Limite, je me suis endormie devant le concert. C’est dommage.

19 avril – Sparks – Le Casino de Paris

Après une année 2021 où, clairement, nous avons craqué notre slip en termes de fanboyism sur le groupe, je me suis dit que, si nous avons l’occasion de les voir, autant le faire (d’autant que les gars ont 74 et 77 ans). Et, sans blaguer, ce fut l’un des meilleurs concerts de ma vie. Les frères Mael ont su balayer leurs cinquante ans de carrière avec brio, en chantant leurs tubes évidents, mais aussi les petites pépites les plus obscures. Vivre un concert de Sparks, quand on est un tantinet sensible comme nous, est un rêve éveillé.

Ce rêve éveille s’est poursuivi le lendemain quand, Gare du Nord, au moment de prendre le train pour aller continuer leur tournée à Bruxelles, les frères Mael se sont mis au piano pour interpréter This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us et ont posté ceci sur les réseaux. Moi qui travaille à genre deux arrêts de RER, je me suis extasiée devant ce moment impromptu.

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Galettes

Notre discographie conjugale s’est très peu nourrie de disques produits ou sortis en 2022 – mis à part le Costello bien sûr. La plupart de mes chroniques d’albums se trouvent d’ailleurs sur Instagram avec #RadioBadine. On retiendra donc cette année :

  • Alanis Morrissette (même si c’est sorti en 2020)
  • Johnny Marr
  • Martin Courtney

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Miscellanées

Au gré de mes pérégrinations personnelles, voici les morceaux qui ont fait mon année 2022.

Eurovision, ton univers impitoyable

Durant une année où le pays gagnant avait évidemment une dimension politique et où je n’ai pas compris la deuxième place prise par le Royaume Uni – sérieusement, tant le gars que la chanson n’avaient aucun charisme, arrêtez vos conneries –, les gagnants dans les charts après le concours n’ont pas été ceux qu’on croit. En effet, en présentant Rosa Linn, l’Arménie ne s’est classée qu’à la vingtième place du concours. Et pourtant, Snap est une des sensations européennes de l’automne 2022. Je comprends bien que, depuis l’an dernier, Maneskin fait une carrière très honorable, mais force est de constater que le concours Eurovision 2022 n’a clairement pas vu venir la tendance.

Le son dancefloor

Ce son, découvert un vendredi soir de désœuvrement de janvier 2022 devant MTV Hits, m’a redonné espoir en la production à destination des boîtes de nuit. Certes, ça ressemble à certains sons anglais produits vers 1996-1997, mais peut me chaut, quitte à être nostalgique, autant saluer les initiatives de qualité.

Le tube de l’été

Je ne m’intéresse pas beaucoup à la production contemporaine, mais s’il y a une chose que je sais, c’est que DJ Snake est partout, surtout là où on ne l’attend pas. Mais, contrairement à David Guetta, il ne se contente pas d’intoxiquer les productions américaines diverses. Il a décidé, cet été, de sortir un son à rebours de ce qu’il produisait depuis quelques années, à savoir un retour aux sources et à l’Algérie de ses parents. Résultat : comme à l’accoutumée, c’est ultra efficace.

Le morceau pansement

Vu que la vie m’a beaucoup blessée cette année, il m’a fallu un morceau pour soigner tout cela. Encore une fois, c’est le Mari qui a eu la solution en achetant Blood On The Tracks de Bob Dylan. Un album de divorce bordélique, mais qui contient cette merveille que j’invoquais quand la situation devenait trop lourde. Car à force de m’autohypnotiser à base de Gopala Krishna de George Harrison, certaines situations m’échappaient. C’est pourquoi j’ai privilégié la voix de Bob Dylan pour affronter les difficultés de la fin d’année.

L’outtake miraculeuse

Quand j’ai écouté cette outtake de 1980 pour la première fois à la radio, je n’ai pas cru à une orchestration d’époque, mais à une prise voix réorchestrée postérieurement. Après analyse, c’est bien une orchestration d’époque, juste nettoyée numériquement par son fils Raphaël. Pourquoi cette chanson n’est pas sortie à l’époque ? L’héritier invoque une divergence artistique par rapport au son qu’il voulait sortir à l’époque. Cette explication est plausible au regard de ce qu’il sortait à l’époque, mais le Mari et moi avons une autre explication au regard de notre analyse de la carrière personnelle du chanteur. Le Mari a en effet remarqué que la chanson était très belle, mais trop mélancolique par rapport à ce que Michel Berger chantait à l’époque (il faut attendre Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux en 1985 pour vraiment sentir un Michel Berger qui s’autorise à être vraiment mélancolique). Notre explication est qu’il a voulu exorciser par cette chanson le diagnostic posé sur sa fille Pauline, née en 1978 et décédée à 19 ans de la mucoviscidose. Cette chanson ayant une résonnance trop intime, Michel Berger a décidé de ne pas intégrer cette chanson dans son répertoire. Il faut donc remercier Raphaël Hamburger d’avoir attendu que les choses se soient apaisées pour sortir cette chanson simple, mais lourde de sens.

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Je vous souhaite une joyeuse année 2023 et à bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 1982, année de gestation

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Je vais fêter mes quarante ans dans quelques mois, ce qui signifie que ma maman a passé la moitié de son année 1982 enceinte de moi.  Cet état de fait rejoint une question qui me taraude depuis le début de mon existence : le fœtus est-il influencé par ce qu’il écoute dans le ventre de sa mère ? Cela expliquerait certains de mes goûts musicaux en effet. Maman, grande fan d’eletronica, de folk et de musique fusion, m’a donné ceci en héritage. Mais quand je vois ce qui est sorti fin 1982, voire début 1983, je pense que les influences de Maman se sont plus diffusées une fois dans mon berceau.

1982 en musique, s’il ne porte pas les prémices des sons avec lesquels j’ai grandi, institutionnalise certains styles comme l’electronica ou la new wave. Le rock semble fait moins heavy : Metallica n’a pas encore sorti son premier album, AC/DC se repose de Back In Black et For Those About To Rock We Salute You, mais Iron Maiden impose son son avec The Number Of The Beast. Preuve que les apparences sont trompeuses et qu’il faut creuser avant des se faire des idées toutes faites.  Mais comme depuis le début des années 1980, le rock se fait fusion pour gagner de nouveaux adeptes. On pense évidemment à l’inspiration rockabilly, très en vogue quand il est mâtiné de punk (Stray Cats) ou de musique électro (Sparks).

Voyons maintenant comment je visualise la musique juste avant ma naissance.

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1 – Jean-Jacques Goldman – (Minoritaire) (non daté)

Si le premier album éponyme sorti l’année précédente a été porté par la locomotive Il suffira d’un signe, ce deuxième album tout aussi éponyme – puisque la maison de disques avait refusé Minoritaire – est un album plus travaillé. En effet, outre le travail vocal entamé par Jean-Jacques Goldman pour renforcer sa tessiture certes haute pour un homme, mais pas assez ampoulée pour l’esprit de l’album, une dimension rock est apportée dans l’orchestration avec l’intervention de Nono Krief, guitariste de Trust. Le résultat est sans appel : alors qu’Il suffira d’un signe a été le seul single à succès du premier album, Minoritaire contient des gros classiques du répertoire de Jean-Jacques comme Quand la musique est bonne, Comme toi ou Au bout de mes rêves. De surcroît, vu qu’il commence à chanter des chansons « conscientes », il se met à être comparé à des artistes comme Michel Berger ou Daniel Balavoine, dont le succès à la même époque était flagrant. S’il est toujours bashé par les critiques rock qui ne comprennent pas ses intentions, le public valide avec Minoritaire un Jean-Jacques Goldman qui, par la suite, restera un des tauliers de la chanson française pendant une vingtaine d’années.

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2 – Sparks – Angst In My Pants (mars)

Onzième album des frères Mael, il se situe dans la continuité de Whomp That Sucker (1981), avec le même producteur – Reinhold Mack – et le même backing band – Bob Haag à la guitare, Leslie Bohem à la basse et David Kendrick à la batterie. D’inspiration moins rockabilly et plus power pop – au point que Sherlock Holmes soit devenu un sample très prisé par les producteurs de vaporwave –, ce onzième album ne s’impose pas dans les charts anglais mais arrive à se hisser à 173e place du Billboard 200 avec même un classement à la 60e place du classement des singles US pour I Predict, ce qui n’était pas arrivé depuis 1971 pour le groupe. Plusieurs titres ont été utilisés comme illustrations sonores dans des œuvres de fiction, que ce soit dans des films (Angst In My Pants et Eaten By The Monster of Love pour Valley Girl de Martha Coolrige en 1983) ou dans des séries (toujours Eaten By The Monster Of Love dans un épisode de la sixième saison de Gilmore Girls).

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3 – Dorothée – Hou ! La menteuse (avril)

Alors qu’elle était encore présentatrice sur Récré A2, Dorothée signe un contrat d’exclusivité pour des œuvres phonographiques avec AB Productions en 1979. Problème : elle est aussi choisie pour être ambassadrice Disney en 1981 et doit chanter Rox et Rouky. Un album rempli de chansons Disney aurait dû suivre, mais le contrat avec AB l’en empêche. Qu’à cela ne tient : Jean-François Porry/Jean-Luc Azoulay et Gérard Sallesses se bougent les fesses pour lui faire avaler la pilule et s’empressent de lui écrire Hou ! La menteuse. Même quarante ans après, ce single reste le plus grand succès de la chanteuse-présentatrice avec 1,3 millions de 45T vendus. Outre le single qui donne le nom de l’album, ce deuxième album studio sorti contient justement le générique de Rox et Rouky, ainsi que les tubes La valise et Tchou, tchou le petit train.

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4 – Toto – Toto IV (avril)

Quatrième album du groupe californien, il se situe dans un contexte de friction avec la maison de disques qui lui reproche l’échec des deux précédents albums, Hydra (1979) et Turn Back (1981). C’est donc avec l’esprit de revanche que le groupe reprend le chemin des studios fin 1981 et invite divers musiciens à collaborer. Plusieurs studios sont mobilisés – dont le studio personnel de David Paich, claviériste et compositeur attitré du groupe. Si Turn Back s’était orienté vers le hard rock – un style qui ne correspondait pas au style initial de Toto –, le groupe a décidé de s’orienter davantage vers la fusion vers le jazz, le funk et les musiques latines. Cela leur a réussi : plusieurs singles sont tirés de l’album, dont Rosanna (chanson inspirée par la relation entre Steve Porcaro, le batteur, et l’actrice Rosanna Arquette), Make Believe et surtout le cultissime Africa – qui prouve qu’en 1982, Michel Sardou et Rose Laurens n’avaient pas le monopole des clichés colonialistes en chanson.

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5 – The Cure – Pornography (mai)

Quatrième album du groupe anglais et album préféré du Mari qui est fan du groupe, c’est un album tellement oppressant que, même cachée sous ma couette, je dois interrompre son écoute pour cause de névralgie. Le groupe est au sommet de sa phase cold wave et on peut dater de la tournée qui s’en suit la création du maquillage caractéristique de Robert Smith, à savoir l’œil charbonneux et le rouge à lèvres porté débordant. Pour ce qui est de l’ambiance générale de l’album, les propos sont très sombres et le mixage donne l’impression d’écouter l’album dans une boîte de conserve. Cette absence d’espoir dans le propos a permis au groupe de gagner de nouveaux fans, mais les tensions entre Robert Smith et Simon Gallup en concert, puis la brouille de dix-huit mois qui s’en est suivie a dû obligé le groupe à prendre par la suite un virage plus pop.

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6 – Téléphone – Dure limite (juin)

Quatrième album du groupe parisien, il marque le changement de maison de disque d’EMI vers Virgin. Concrètement, la bande de Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac ont des envies d’Amérique et ont donc cherché, sans succès, à adapter six titres de l’album pour le marché anglophone avec l’aide de Lou Reed. Plus « joyeux » que son prédécesseur Au cœur de la nuit (1980), l’album est enregistré à Toronto sous l’égide du producteur Bob Ezrin, qui a produit auparavant The Wall pour Pink Floyd. Cependant, même si le disque comporte des titres joyeux comme Ca (c’est vraiment toi) ou laisse même la place à Corinne Martineau qui compose Le Chat, c’est l’album où on voit les premières tensions au sein du groupe. Le batteur Richard Kolinka a même déserté certaines sessions pour aller jouer sur l’album d’Alice Cooper sorti en 1983, DaDa. Malgré tout, cet album se vend à 700.000 exemplaires et jouit d’une bonne réputation. Pour certains critiques, Dure Limite est l’album de la maturité pour le groupe qui passe un cap dans la construction de ses chansons.

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7 – Dire Straits – Love Over Gold (septembre)

Quatrième album du groupe anglais, il était destiné à contenir six titres. Sauf que Mark Knopfler, au final, a décidé d’offrir Private Dancer à Tina Turner pour relancer sa carrière. Contrairement aux trois premiers albums, Mark Knopfler a décidé de laisser la part belle aux nappes de clavier pour se mettre dans l’air du temps sans pour autant se trahir. Pour le reste, je vous invite à voir ma chronique de l’album ici.

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8 – Marvin Gaye – Midnight Love (octobre)

Avouons-le de suite : ce seizième et dernier album d’un de mes artistes préférés ne fait pas consensus à la maison. Le Mari, pas très au fait de la musique soul et de la Motown, dit que c’est son album préféré de Marvin Gaye. Personnellement, après avoir loué son travail dans les années 1960 ou avec Tammi Terrell, j’ai clairement un peu de mal avec cet album dans son ensemble. En effet, je trouve qu’il contient une vibe trop funk électrique pour m’accorder avec ce que je considère comme le son organique de Marvin. Enregistré après la signature d’un contrat avec CBS, il est le résultat d’un séjour de dix-huit mois à Ostende. D’ailleurs, la ville propose à l’heure actuelle un Midnight Love Tour pour faire découvrir les lieux où l’artiste a séjourné. Pour faire face à la concurrence sur la scène soul, il fait intervenir les producteurs Gordon Banks et Harvey Fuqua qui décident d’utiliser des boîtes à rythme. Ce son très moderne permet à Marvin Gaye de retrouver le succès, notamment avec le stratosphérique Sexual Healing. Malheureusement, cela ne l’empêchera de retomber en dépression et de retourner vivre chez ses parents – pire idée du siècle quand on sait comment il a fini.

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9 – Led Zeppelin – Coda (novembre)

Suite au décès du batteur John Bonham en 1980, les trois autres larrons du groupe ont hésité un temps avant de se séparer définitivement en 1983. Ceci ne les empêche pas de jouer ensemble à l’occasion à l’heure actuelle, en demandant à Jason Bonham de tenir les parties de batterie. Mais avant de se séparer, le groupe a décidé comme baroud d’honneur d’éditer diverses chutes de studio et autres chansons non retenues de Led Zeppelin III (1970) à In Through The Out Door (1979). Le résultat est plus cohérent que le dernier album studio du groupe, où John Paul Jones avait pris plus de place. A titre personnel, nous possédons à la maison la version 3 CD de 2015, qui reste un beau document d’écoute.

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10 – Michael Jackson – Thriller (novembre)

On ne peut pas omettre ce jalon de la musique des années 1980, voire même de la musique populaire contemporaine tout court. Ce sixième album solo de l’artiste est un monument : 32 millions d’albums vendus pour la seule année 1983, 66 millions d’exemplaires vendus en tout… Avec ce succès, Michael Jackson devient le premier artiste noir à être diffusé sur MTV. Il faut dire que l’album est principalement porté par les clips de Billie Jean, Beat It et surtout Thriller, un long-métrage de 10 minutes réalisé par John Landis.

On pourrait écrire un livre entier rien que sur les débats sur la composition et l’enregistrement de l’album entre Michael Jackson et Quincy Jones, tant tout a été documenté sur cet album. Entre la participation d’Eddie Van Halen sur Beat It, de Vincent Price sur Thriller, de Paul McCartney sur The Girl Is Mine ou de Manu Dibango sur Wanna Be Startin’ Somethin’ – humour –, on ne compte plus le beau monde qui a participé au disque.

C’est de surcroît un disque qui marque l’affirmation de Michael Jackson en tant qu’artiste complet et souverain sur son processus de création. Du haut de ses 24 ans et de ses 15 ans de carrière, il a imposé ses choix de manière brutale face à Quincy Jones qui avait l’habitude de le chapeauter sur l’album précédent, Off The Wall (1979). Le producteur était très mitigé concernant Billie Jean, au point de vouloir l’enlever de l’album et d’argumenter que le marché du disque se cassait la gueule, bla bla bla. Michael Jackson a menacé de ne pas sortir l’album si le morceau n’était pas maintenu. Bien lui en a pris, au vu de sa notoriété quarante ans plus tard.

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 1972, havre de paix

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1972 semble être un havre de tranquillité si on regarde les hit-parades français. On remarque une grande poussée de la musique folk, mais aussi de la pop sucrée héritière des yéyés. On a l’impression que, soit on se laisse guider dans l’air du temps, soit on se fait chier comme un rat mort. Les hippies semblent avoir rejoint Katmandou et Danièle Gilbert expose les couples les plus gnan-gnan de la chanson française, à savoir Stone et Charden. Dans ce marasme ambiant, deux grands artistes essentiels à mon cœur se révèlent grâce à des premiers albums qui feront date.

A l’international, les différentes cultures musicales sont marquées par la concrétisation de certaines envies de subversions exprimées à la fin des années 1960. C’est dans ce contexte qu’explosent à la face du public David Bowie et Lou Reed. Mis à part ça, les artistes confirmés restent dans leurs acquis des années 1960 et… oui, disons-le clairement, on se fait légèrement chier.

Voici donc ma petite sélection d’albums qui sortent du lot.

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1 – Neil Young – Harvest (février)

Quatrième album solo du folkeux canadien, il intervient après son départ du super-groupe formé avec David Crosby, Stephen Stills et Graham Nash. Pour ce faire, il embauche des musiciens de Nashville lorsqu’il y va pour enregistrer une émission pour le Johnny Cash Show. Le producteur des studios Quadriphonix, Elliot Mazer, essayait de le convaincre de venir enregistrer un album dans ses studios lors d’un dîner. Le soir même, Mazer recrute des musiciens, parfois dans la rue, et la session d’enregistrement débute ainsi. Harvest contient également les participations de James Taylor et Linda Ronstadt, qui étaient également présents au Johnny Cash Show et qui ont enregistré juste après l’émission, ainsi que celles de Crosby, Stills et Nash que Mazer a pu capter à New York.

Harvest est considéré comme un monument de country rock aux Etats-Unis dès sa sortie, mais aussi en France où il reçoit le Grand Prix de l’Académie Charles Cros et où il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires.

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2 – Nick Drake – Pink Moon (février)

La légende raconte que Nick Drake a enregistré ce troisième album de 28 minutes de nuit et en deux sessions de deux heures tout seul avec sa guitare et son piano. Et qu’ensuite, il a déposé les bandes à l’accueil de la maison de disques de manière anonyme. La vérité est que Nick Drake a bien enregistré de nuit tout seul avec l’ingénieur du son John Wood, mais Island Records avait bien été en contact avec Nick Drake durant tout le processus. Il y avait pourtant une bisbille entre Nick Drake et Island Records : au lieu d’assurer la promotion de Bryter Layter (1970), Drake s’est mis à fumer énormément de cannabis, ce qui, combiné à ses antidépresseurs, le rendait psychotique. Déçu du résultat de Bryter Layter, où sa guitare a été mêlée à une basse et une batterie jazz, Nick Drake ne voulait pour Pink Moon être accompagné que de sa guitare. Si le résultat a beaucoup à Chris Blackwell, fondateur d’Island Records, et aux critiques, le public n’a pas adhéré à l’album. Ca a sonné la fin de la carrière de Nick Drake : enfoncé dans sa dépression, il était retourné vivre chez ses parents. La possibilité d’un quatrième album aurait été envisagée au début de l’année 1974 et cinq titres étaient déjà enregistrés. Malheureusement, Nick Drake, en mourant à 26 ans d’une surdose de médicaments, n’a pas pu voir sa postérité qui s’est construite dans les années 1980.

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3 – Véronique Sanson – Amoureuse (mars)

Premier album de l’autrice-compositrice, il intervient alors qu’elle a déjà enregistré plusieurs 45-tours à la fin des années 1960. Il tire de son inspiration de sa collaboration professionnelle et amoureuse avec Michel Berger, qui était alors producteur et directeur artistique pour la maison Elektra. Les critiques saluent ce début de carrière en argumentant des textes originaux sur des mélodies et des arrangements modernes. Porté par les chansons Amoureuse, Besoin de personne et Bahia – qui furent reprises parfois par Véronique Sanson dans d’autres langues, mais aussi par des artistes comme Shirley Bassey ou Olivia Newton-John –, cet album eut un succès immédiat. Pour ses quarante ans, l’album a bénéficié d’une version enrichie avec les sessions de travail, les versions étrangères des titres et le réenregistrement de la chanson titre en duo avec Fanny Ardant. De surcroît, Jeanne Cherhal a décidé, la même année, de faire une tournée où elle réinterprète l’album en public.

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4 – Bill Withers – Still Bill (mai)

Deuxième album de l’ancien soldat devenu ouvrier, il est dans la continuité de Just As I Am (1971). Malgré le fait que ce premier album ait été accueilli avec beaucoup de succès, il a quand même refusé à l’époque de démissionner de son poste de manutentionnaire, parce qu’il n’avait pas foi en l’industrie musicale. Ce deuxième album, porté par les singles Lean On Me et Use Me, lui a garanti assez de succès pour ne plus penser à sa carrière de manutentionnaire. Globalement, Still Bill a reçu un excellent accueil critique : beaucoup de critiques se sont en effet accordées sur le fait que ce deuxième album était une continuité du premier, mais que Bill Withers avait gagné en assurance et en maîtrise. Cinquante ans après, Lean On Me est devenu un standard de la soul, au point d’être reprise en majorité par des chorales de gospel.

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5 – David Bowie – The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spider From Mars (juin)

Après quatre albums naviguant entre pop et sons lourds, David Bowie a décidé de combiner ces deux versants musicaux pour faire un album concept. Il revêt pour ce faire l’un de ses avatars les plus emblématiques, à savoir Ziggy Stardust, un extraterrestre venu donner à la Terre un message d’amour et de paix, mais qui se consume dans les excès. Avec ce personnage, il est à l’initiative avec Marc Bolan de T. Rex de la fondation du glam rock. Alors que Bowie galérait avec ses quatre premiers albums, ce cinquième, porté par le single Starman, une tournée massive au Royaume-Uni, mais surtout un passage remarqué à Top Of The Pops en juillet 1972, a permis de lui faire accéder à la notoriété qu’on lui connaît actuellement. Fort de ce succès trouvé, les concerts accompagnant l’album deviennent de plus en plus fous jusqu’à mettre en scène la fin de Ziggy Stardust le 3 juillet 1973 à l’Hammersmith Odeon.

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6 – Maxime Le Forestier – Maxime Le Forestier/Mon frère (octobre)

Ce premier album, d’abord éponyme, sera renommé Mon frère lors de sa réédition de 1985. Si Bruno Le Forestier – dit Maxime –, a commencé sa carrière en 1965 avec sa sœur Catherine, alors qu’il n’avait que 16 ans, il faut attendre 1972 et son retour du service militaire pour se faire signer chez Polydor. Pour enregistrer cet album, il est entouré de musiciens de jazz, mais aussi de sa sœur Catherine et de Jean-Pierre Kernoa pour composer certaines chansons. Avec des succès apportés avec Mon frère, San Francisco ou Éducation sentimentale, il a pu jouer en première partie de son idole, Georges Brassens, à Bobino en octobre 1972. Rebelle dans l’âme, il s’est ulcéré du prix du billet et a réclamé qu’on limite l’accès au spectacle à 10 francs.

Anecdote personnelle : quand le Mari m’a offert l’intégrale Le Forestier, il a été halluciné de me voir chanter l’album de bout en bout. Preuve que 1. Cet album m’a marquée 2. Cet album est qualitatif.

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7 –  Georges Brassens – Fernande (novembre)

Ce treizième album était un album éponyme, mais comme il était de coutume alors dans les années 1960 et 1970 en France, on appelle l’album du premier titre lors des rééditions. Georges Brassens a alors cinquante ans et vingt ans de carrière derrière lui, on ne va pas dire qu’il faiblit, mais il a acquis un petit rythme de croisière qui lui permet d’influencer durablement la scène française. Bien qu’il commence à vieillir, il remporte encore un succès conséquent avec cet album qui contient des chansons culte telles que Fernande, donc, mais aussi Mourir pour des idées, La ballade des gens qui sont nés quelque part, Quatre-vingt quinze pour cent ou Les passantes. Preuve que même à cinquante piges, Georges Brassens n’avait pas bu assez d’alcool pour embrasser un flic.

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8 – Véronique Sanson – De l’autre côté de mon rêve (décembre)

Deuxième album en moins d’un an pour Véronique Sanson, il est toujours réalisé par Michel Berger. Sauf que la source d’inspiration n’est pas leur amour désormais défunt, mais la rencontre et le coup de foudre de Véronique Sanson pour Stephen Stills. Pour lui, elle compose Une nuit sur son épaule, Comme je l’imagine et De l’autre côté de mon rêve. Alors que l’album n’est pas encore mixé, elle décide de partir aux Etats-Unis vivre son histoire d’amour qui s’est concrétisé avec la naissance de Christopher en avril 1974. L’album contient aussi Chanson sur ma drôle de vie, qui est devenu un hymne suite à Tout ce qui brille de et avec Géraldine Nakache (2010).

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9 – Marvin Gaye – Trouble Man (décembre)

Poussé d’une part par l’immense succès de What’s Going On (1971) qui a conduit à la renégociation de son contrat avec la Motown, et d’autre part par les succès des bandes originales de Shaft par Isaac Hayes et Superfly par Curtis Mayfield, Marvin Gaye décide de repousser le développement de ce qui deviendra You’re The Man (1972/2019) pour s’attaquer à la bande originale du polar de blaxpoitation Trouble Man, réalisé par Ivan Dixon. Le problème étant que, même si la bande originale de ce film est très qualitative, tant le film que l’illustration sonore souffrent de la comparaison avec leurs prédécesseurs. Si Isaac Hayes et Curtis Mayfield ont su mêler soul et funk, problématiques sociales et allusions sexuelles, Marvin Gaye, avec toute la liberté artistique qui lui était allouée à l’époque, a préféré mêler sa soul à des sonorités plus smooth jazz. Alors oui, c’est très sympa à écouter, mais ça n’a pas le piment d’une bande-son canonique de film de blaxpoitation.

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10 – Lou Reed – Transformer (décembre)

Après avoir quitté le Velvet Underground avant la sortie du quatrième album du groupe en 1970, Lou Reed retourne vivre chez ses parents. Mais poussé par le producteur Richard Robinson, il enregistre un premier album éponyme en Grande-Bretagne qui sort plus tôt dans l’année 1972, mais qui n’a pas l’effet escompté. Sur place, il rencontre Mick Ronson et David Bowie qui le motivent pour enregistrer ce qui est devenu Transformer. Avec des chansons comme Vicious, Perfect Day, Satellite Of Love mais surtout Walk On The Wild Side, Lou Reed accède ainsi au statut culte qu’on lui connait, gagne de nouveaux, mais retombe dans des travers de dépendance.

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

10, 20, 30, 40, 50 : la classe 2 en chanson

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Encore une fois, joyeuse année 2022 à vous toutes et tous. Que tous vos projets se réalisent et qu’elle soit prospère malgré les difficultés. En ce qui me concerne, un projet personnel est en préparation et on va tout faire pour sa mise en œuvre.

Les années .2 que j’ai vécues sont des années assez bizarres. D’une part, c’est la dernière année avant les âges ronds pour moi. Par exemple, je vais fêter mes 39 ans cette année. Et d’autre part, les années .2 sont synonymes pour moi d’années à contenu traumatique (deuils, accidents, etc.). Il est clair, en y réfléchissant, que je n’aborde pas 2022 forcément de la manière la plus sereine qui soit. Je me dis souvent que je dois rompre avec la spirale temporelle de l’angoisse, mais malgré tout, je ne peux pas m’empêcher de penser que je vais vivre une bonne vieille année de merde.

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Trêve de cassage d’ambiance, on est ici pour parler musique. Et, en musique, les années .2 sont des années où les choses sont bien installées, où on n’observe pas de révolution majeure – sauf si on veut parler de 1962 avec les Beatles, mais le cadre est trop lointain pour cet article. Après des années .8 – .9 – .0 – .1  qui posent les bases, les années .2 s’enferment presque dans un conformisme ronronnant, tant on pense qu’il ne s’y passe pas grand chose. Attention : cela ne veut pas dire que la musique n’est pas bonne – et justement, Jean-Jacques Goldman le criera bien fort en 1982 (https://www.youtube.com/watch?v=-boDeijWuOY) –, je dis juste qu’elle porte les fruits des années précédentes. Enfin, je dis ça, quand je vois ce que Stromae a été capable de faire pour présenter son nouveau single ce dimanche 9 janvier 2022, je me dis que la révolution musicale ne se situe pas où on le pense et c’est une excellente nouvelle.

Voici mes petites préconisations en termes d’archives musicales.

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1972 : 50 ans après

César et Rosalie : la lettre de Rosalie | La Compagnie Affable

Chansons écoutables

Version française : Maxime Le Forestier – San Francisco

Est-ce que ceci étonnera quiconque qu’après 1971, où j’ai choisi une chanson aussi déprimante et enjouée qu’une chanson de Stromae chantée face caméra au journal de 20h, j’ai choisi pour 1972 une bonne vieille chanson de babos comme un doudou que je partage en souvenir de ma relation avec ma chère maman ? Je ne serai jamais objective avec la carrière de Maxime Le Forestier, au même titre que je ne le serai jamais avec la carrière de Laurent Voulzy ou de Francis Cabrel. Cette chanson me tient d’autant plus à cœur que ça fait partie des premières chansons que j’ai évidemment interprétées à la guitare. Petite anecdote : je donnais des cours de français à une jeune fille américaine, et quand j’ai su qu’elle était elle aussi guitariste, je lui ai donné cette chanson à apprendre. Bref, cette chanson n’a pas cinquante ans, elle est née avec le souffle de chaque rêveur dont je fais partie.

Version internationale : Bill Withers – Lean On Me

Quand j’ai dit que j’allais me concentrer sur des chansons doudou, cinquante ans après, je ne mentais pas. Elle a pesé sur la balance face à des bijoux tels que Stevie Wonder – Superstition, David Bowie – Starman et America – A Horse With No Name. Mais je préfère mettre en valeur cette chanson de l’artiste, ancien ouvrier de chez Ford, qui arrêta sa carrière musicale en 1985 et mourut dans la plus grande discrétion au milieu de tout ce bordel qu’était le mois de mars 2020. Contrairement à des mecs comme Stevie Wonder et David Bowie, dont le talent a occupé la sphère médiatique de manière très ostentatoire, Bill Withers avait juste besoin d’être là et de dire des mots simples pour montrer la voie. C’est cette manière de chanter et de s’exprimer que j’ai envie de mettre en valeur cinquante ans après.

Chansons inaudibles

Version française : Ringo – Trop belle pour rester seule

La France, en 1972, c’est Midi Première avec Danièle Gilbert, les shows de Gilbert et Maritié Carpentier… et donc Ringo, pas Starr, mais Willy Cat, né Guy Bayle. Il commence sa carrière en 1971 en sortant quatre 45T dont Trop belle pour rester seule. Galvanisé par son mariage avec la déjà un peeeu périmée Sheila, il n’a pas tapé plus haut que Les gondoles à Venise en 1973. N’ayant pas réussi en solo à concurrencer durablement Mike Brandt et en duo à concurrencer durablement Stone et Charden, le pauvre Ringo est donc condamné à être au mieux un document d’archive un peu sympa de la France sous Pompidou – donc globalement, une France où on se faire bien chier –, au pire une ringardise que l’on assume à peine d’écouter.

Version internationale : David Peel And The Lower East Side – Everybody’s Smoking Marijuana

La preuve qu’on se faisait globalement braire en 1972 et qu’Afroman n’avait rien inventé : quand on procrastine, c’est le meilleur moyen de fumer autre chose que du tabac. Derrière cette hymne nihiliste se cache donc David Michael Rosario, artiste new-yorkais, grand militant pour la cause de la légalisation de l’herbe et anti-forces de l’ordre. Hippie, voire protopunk jusqu’à son décès en 2017, on peut dire que sa carrière a suivi une constante.

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1982 : 40 ans après

Chansons écoutables

Version française : Téléphone – Cendrillon

Et non, je ne vais pas mettre Jean-Jacques à chaque fois, parce que Jean-Jacques, au même titre que Michel Sardou, a tendance à occulter ce qui se faisait en France au début des années 1980. On va dire qu’avec l’album Dure limite, Téléphone atteint un sommet artistique et commercial. Cendrillon, contrairement à la majorité des titres de Téléphone, voit Louis Bertignac au chant. D’autre part, cette petite chanson faussement naïve qui revisite avec cynisme un conte de fées est l’une des choses les plus rock et maîtrisées que l’on ait pu faire. Ce n’est pas pour rien que Téléphone marque encore les esprits, plus de 35 ans après leur première séparation.

Version internationale : Michael Jackson – Billie Jean

L’album Thriller mérite tous les superlatifs de la terre, et je ne parle même pas par nostalgie. C’est un album révolutionnaire, qui ne contient aucune faute de goût, au point de devenir un jalon de l’industrie musicale. Parmi ces tubes interplanétaires, Billie Jean est globalement celui qui en a fait la légende. Quarante ans après, on n’en a pas fini avec les imitateurs qui reproduisent la fameuse prestation des 25 ans de la Motown. On parle évidemment de ceci :

Chansons inaudibles

Version française : Jean-Luc Lahaye – Femme que j’aime

Outre l’individu qu’il est nécessaire de cancel très vite pour cause d’éphébophilie un peu trop abusive et insistante – et heureusement qu’on apprend peu à peu à écouter les victimes –, Jean-Luc Lahaye fait partie de ces chanteurs des années 1980 qui provoquaient des crises d’hystérie à nos mères et dont l’écoute des chansons a posteriori provoque le malaise. Femme que j’aime ne fait pas exception, mais on peut dire que, dans la lignée des chansons adulées à l’époque et décriées par la suite, elle se trouve dans une moyenne, à l’instar d’Être une femme de Michel Sardou.

Version internationale : Al Bano & Romina Power – Felicità

On pensait les duos maris et femmes ringards avec la séparation de Stone et Charden en 1974, mais si on s’est cognés en France Peter & Sloane en 1984, c’est parce qu’il y avait un précédent italien qui avait relancé la tendance. Mariés entre 1970 et 1999, Albano Carrisi et Romina Power ont clairement percé avec ce … truc, entre performance vocale a minima pour Madame et mélange entre histrionisme et violente torsion testiculaire pour Monsieur. Je rigole, je rigole : je me moque doucement de Felicità, mais croyez-moi qu’elle fait partie de mes playlists sûres en cas d’italo-crisis chaque mois de juin.

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1992 : 30 ans après

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Version française : Pow Wow – Le lion est mort ce soir

Alors que la musique électronique était devenu majoritaire dans la musique de variétés, on a encore trouvé dans l’industrie musicale des gars qui avaient fait le pari de faire de l’a cappela et, pire que ça, d’en faire un album. Ca a été un cataclysme a l’époque et ça reste trente ans après une vraie bulle de fraîcheur dans la variété française. Le pari d’Alain Chennevière et Pascal Periz – qui avaient fondé en 1985 les Alligators –, accompagnés d’Ahmed Kouici et de Bertrand Pierre dès 1990 était de remettre le doo wop au goût du jour. Leur premier album Regagner les plaines, d’où est tiré cette reprise française de Solomon Burke, s’est vendu à un million d’exemplaires en France. Malheureusement, le succès n’a pas persisté avec les albums suivants.

Version internationale : Sting & Eric Clapton – It’s Probably Me

J’aurais pu citer énormément de titres d’eurodance assez canons sortis en 1992. Si même je m’étais écoutée en premier lieu, j’aurais sélectionné Rythm Is A Dancer de Snap. Mais j’ai décidé d’aller à l’encontre de mes goûts de petite fille de neuf ans pour me focaliser sur un titre iconique de l’année 1992, à savoir la bande originale de l’Arme Fatale III composée par Michael Kamen. Réunissant deux artistes dont j’adore le style, mais pas forcément la personnalité – merci Eric Clapton de m’avoir appris le dilemme moral qu’est le fait de séparer l’homme de l’artiste  –, là encore, le morceau devient iconique par économie de moyens. Si bien sûr on enlève le tapis de cordes de Michael Kamen. Juste un clic, une guitare acoustique qui enlumine sans s’imposer, la voix râpeuse de Sting, et ça fait parfaitement le job.

Chansons inaudibles

Version française : Jordy – Dur dur d’être bébé

Si l’exploitation du talent des enfants n’était pas une nouveauté à l’époque, le pauvre Jordy Lemoine – 4 ans à l’époque, donc – en a montré les travers les plus dégueulasses. Etant donné qu’il était désormais plus facile de faire un « tube » si on maîtrisait un tant soit peu la programmation informatique, il suffisait donc d’échantillonner la voix du petit garçon sur deux-trois phrases et paf ! Un n°1 et une inscription au Guinness Book des records comme le plus jeune chanteur à se classer n°1 au hit-parade. S’en est suivi deux albums, un père qui pète les plombs et finance avec les droits d’auteur un parc animalier en Normandie qui bide bien sévère et anéantit tout espoir pour le petit garçon de se voir rétribuer à la majorité de ses droits d’auteur. Heureusement, aujourd’hui, le brave Jordy est un producteur pépère et un père de famille au calme. C’est tout ce qu’on pouvait espérer pour lui.

Version internationale : Whitney Houston – I Will Always Love You

Attention : je ne remets pas en cause la qualité de la chanson, ni même celle de l’interprétation de Whitney Houston ici, qui signe quand même un sommet artistique ici. C’est juste que :

1. Cette chanson est associée à un film que ma sœur et ma cousine ont maté en boucle et qui, nonobstant la présence de Kévin Costner au sommet de sa sexyness, me casse foncièrement les pieds. Bodyguard reste une bluette sans aspérités et, clairement, j’ai beau posséder des chromosomes XX, j’ai préféré m’enjailler à l’époque avec toute la filmo de Jean-Claude Van Damme.

2. Comme beaucoup de chansons chargées émotionnellement, sa réinterprétation par des chanteuses du dimanche dans des cadres privés ou publics sont l’occasion de grands moments de malaise ou de fous rires.

Bref, pardon Whitney mais 1. Dolly Parton ne méritait pas que tu l’éclipses 2. Tu ne méritais pas une interprétation aussi dégoulinante.

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2002 : 20 ans après

PUTAIN, 20 ANS.

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Version française : Indochine – J’ai demandé à la lune

Quand j’ai voulu faire le tour de la « variété » française de 2002, je me suis dit : Nom de Dieu, quelle catastrophe. Déjà, il y avait les débuts des télécrochets médiatiques à la Star Academy et Popstars qui a apporté une MASSE de chanteurs qui peut-être chantaient correctement, mais dont les qualités artistiques ne me touchaient pas, et ne me touchent toujours pas 20 ans après. Alors oui, je considère que 2002 est une des années les plus traumatisantes de ma vie et dont j’ai du mal à me relever certaines fois, donc on peut considérer que le biais cognitif est très fort quant au choix d’une chanson que je réécouterai éventuellement avec « plaisir » vingt ans après. J’ai donc fait ce choix de ce titre d’Indochine nouvelle formule qui revient en force, alors qu’à l’époque, j’écoutais énormément l’album éponyme de Calogéro par nostalgie – oui, j’ai un passif avec Calogero que j’ai découvert avec son groupe les Charts que j’écoutais en colonie. D’ailleurs, moment anecdote : juin 2003, il y avait un concert sur le parvis du Colombier à Rennes qui réunissait… Indochine et Calogero, auquel j’ai assisté. Pour vous dire à quel point ma vie musicale à l’époque n’était pas fofolle.

Version internationale : Queens Of The Stone Age – A Song For The Dead

J’ai découvert Queens of The Stone Age bien plus tard – en gros, quand je me suis installée à Paris. Mais je préfère retenir de la variété internationale en 2002 une chanson rock bien péchue plutôt que Shakira dont j’écoutais davantage les œuvres à l’époque. C’est le drame de l’année 2002 : je l’ai tellement mal vécue que je rejette même tout ce que j’ai écouté à l’époque. Et pourtant, à l’international, il y avait certes de chansons gnangnan, voire concons, mais, par exemple, le quatrième album d’Eminem ou même By The Way des RHCP n’étaient pas immondes non plus. Mais je préfère garder une chanson que je n’ai pas connue à l’époque. La vie est ainsi faite.

Chansons inaudibles

Version française : Johnny Hallyday – Tous ensemble

Mais qu’est-ce qui a pris au Taulier de chanter ce truc putassier, tout ça pour que l’équipe de France championne en titre se fasse plier au premier tour face au Sénégal ? J’aurais pu choisir n’importe quel single de Jenifer, des L5 ou de la Star Academy pour montrer la décrépitude de la variété française à l’époque, mais Johnny qui chante un truc digne d’un chant de kop du Stade Geoffroy Guichard dans les années 1970, avec Fils de France de Damien Saez, montre assez bien que je n’étais pas seule à être engluée dans le marasme en 2002.

Version internationale : Las Ketchup – Asereje

2002, année tellement dégueulasse que même les tubes de l’été étaient claqués au sol. J’avais l’habitude depuis 1989 de danser et même de faire apprendre les chorégraphies des tubes de l’été autour de moi. Mais il faut avouer que cette année-là, j’ai compris que c’était vraiment la fin d’une trend quand j’ai vu le ridicule de la chorégraphie. Malgré tout, ces trois demoiselles espagnoles, qui sont sœurs, sont les filles d’un guitariste réputé et ont voulu imiter en langue yaourt Rapper’s Delight du Sugarhill Gang. Le résultat prend la tête et te poursuit dans tes rêves les plus maudits.

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2012 : 10 ans après

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Version française : 1995 – Comment dire

Bizarrement, entre Orelsan, Woodkid, C2C et 1995, 2012 a été une année où j’ai pas mal écouté de productions de musiques urbaines françaises. Je retiens de 2012 cette chanson car j’estime qu’elle a déclenché chez moi une forme de prise de conscience qu’il fallait à un moment que je parle de mon ressenti pour pouvoir avancer. C’est un chemin qui a pris du temps, qui prend encore beaucoup de temps, mais ça m’a permis d’être à peu près sereine dans mon ménage depuis bientôt neuf ans. Du haut de mes 29 ans, je me sentais comme ces petits pioupious dont le plus jeune venait de fêter son 20e anniversaire, à devoir affronter les embûches liées à la réalisation de leur vie d’adulte. C’était exactement mon ressenti à la veille de la trentaine.

Version internationale : Adele – Skyfall

Autant j’avoue qu’Adele, comme toute bonne chanteuse à voix, a tendance à me briser les genoux, autant le thème de Skyfall – qui fait partie de mes Bond préférés – m’a provoqué le même frisson qu’un thème chanté par Shirley Bassey. Je disais même qu’en 2012, j’étais clairement rincée d’Adele à force d’entendre Someone Like You à tout bout de champ, mais même à l’époque, je me suis dit pour Skyfall : Mais quel coup de maître. En même temps, ce thème a été composé dans un style tellement John Barry-compatible qu’il fait partie des thèmes de Bond qui font immédiatement mouche. Contrairement aux thèmes un peu plus « modernes » (je pense notamment à Die Another Day de Madonna/Mirwais, 2002, ou même Another Way To Die de Jack White/Alicia Keys, 2008), Skyfall ne met pas la personnalité d’Adele et Paul Epworth en avant. La recette du succès.

Chansons inaudibles

Version française : Il pulcino Pio – Le poussin Piou

J’en ai vu passer, des chansons connes, entre Le Papa Pingouin, La danse des canards et René la taupe. Mais cette chanson – parodie d’une chanson brésilienne des années 1980 –, elle détruit ton cerveau à la manière de Baby Shark (tu tu tu tu tu tu). A l’origine de cette version est la version italienne, initiée par l’équipe de la Matinale de Radio Globo. Le titre étant devenu un succès en Italie durant l’été 2012, il a d’abord été traduit en grec avant de s’attaquer à toute l’Europe. Un vrai massacre.

Version internationale : Psy – Gangnam Style

Après Party Rock Anthem de LMFAO l’année précédente, j’ai vraiment cru aux prédictions des Mayas quand j’ai vu ce « phénomène » arriver. J’en arrivais presque à me friter avec ma sœur le dimanche parce qu’elle trouvait ça évidemment génial. Mais je reste persuadée que cette chanson fait partie de la playlist qui t’accueille en enfer, bien que je n’aie aucune animosité pour l’interprète ou les producteurs. C’est juste que, comme toute chanson matraquée 25 fois par jour, ça finit juste par taper sur le système.

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 2011, année intense

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Je l’ai dit dans ces colonnes, l’année de mes 28 ans fait partie des années plutôt intenses de ma vie. J’ai en effet vécu un petit concentré de vie, entre un projet professionnel un peu fou et une histoire d’amour qui a vite tourné en eau de boudin. C’est la première année également où j’ai vraiment senti le poids de l’adulthood et mes premières angoisses existentielles – et Dieu sait si elles m’envahissent encore plus dix ans après. Ca a également été l’année où j’ai consolidé l’une des plus grandes amitiés de ma vie, basée sur l’organisation d’événements professionnels, soirées de joies ou de consolations diverses. Dix ans après, que Dieu te bénisse encore, ma chérie, grand témoin de cette année complètement folle et des meilleurs moments de ma vie par la suite.

Musicalement, je connais mes premiers vrais jugements de connasse qui ne comprend plus l’industrie musicale – au point de caricaturer ce trait dans les pages de feu Ladies Room. L’un de mes plus gros « plantages » de jugement à ce propos a été ma réaction à l’écoute de Video Games de Lana Del Rey et ma réaction qui en a découlé. Alors que j’avais une tripotée de cool kids qui s’extasiaient dessus, j’ai cru que j’étais devenue cette vieille à la ramasse. Il a fallu que je réécoute certains de ces titres à la lumière de ma découverte de sa collaboration avec Dan Auerbach en 2014 pour me convaincre que je m’étais salement plantée à l’époque.

Je réévalue d’autant plus 2011 que 2021 a été l’occasion d’apprécier certains trucs qui m’avaient échappé à l’époque. En effet, Je me suis prise de passion dès le mois de janvier pour, par exemple, ce titre :

Alors qu’à l’époque, Rihanna me faisait le même effet que Britney Spears. Il faut dire que 2011 m’a donné matière à devenir une vieille connasse, ayant « accompagné » ma cousine au Stade de France au concert des Black Eyed Peas et ayant de fait vécu l’une de mes pires laryngites de ma vie anté-CoVid. Comment voulez-vous que je fasse confiance dans la pop music dans ces conditions-là ?

Allez, c’est parti.

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1 – Adele – 21 (janvier)

Alors que son premier album 19 avait marqué les esprits et la fit comparer avec sa collègue Duffy (qui a malheureusement disparu des radars depuis) comme une succédanée d’Amy Winehouse, 21, qu’elle a également écrit après une rupture, transforma Adele Adkins en Céline Dion des temps modernes. Puisant ses influences musicales dans le gospel ou la pop et ses thématiques d’écriture dans sa vie sentimentale, elle surprend également en reprenant Lovesong de The Cure.  Avec des pointures telles que Rick Rubin et Ryan Tedder du groupe One Republic à la production, cet album avec ses inspirations américaines a conquis 35 millions d’auditeurs, ce qui en fait l’album le plus vendu de la décennie 2010.

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2 – Brigitte – Et vous, tu m’aimes ? (avril)

Après diverses expériences chacune de son côté, Sylvie Hoareau et Aurélie Saada se font connaître sur leur Myspace avec une reprise de Ma Benz en 2010. C’est ainsi qu’elles enregistrent leurs compositions qui se retrouvent dans ce premier album aux accents psychédéliques qui se vend à 200.000 exemplaires en France. Avec la tournée qui a accompagné cet album, elles ont obtenu la Victoire de la Révélation scène en 2012.

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Metronomy – The English Riviera (avril)

Je persiste à dire que ce troisième album du groupe britannique est celui qui a marqué mon année 2011, mais, à l’instar de The Reminder de Feist (2007), j’ai dû en blacklister l’écoute pour cause de rupture amoureuse – d’autant plus qu’il est le cadeau dudit compagnon.

Avec cette ambiance pop et des titres tels que The Look ou The Bay qui se prêtaient avec perfection à l’ambiance estivale, le groupe fondé par Joseph Mount était clairement ce qu’il me fallait pour apprécier cet été où j’avais l’impression que tout me souriait. La critique britannique ne s’y est pas trompée, considérant que The English Riviera était un tournant pour la carrière du groupe.

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4 – Lady Gaga – Born This Way (mai)

Troisième album de l’artiste new-yorkaise, il est teasé dès fin 2010 : lors de la cérémonie des MTV Music Awards le 12 septembre 2010, alors que Lady Gaga reçoit son prix du meilleur vidéo clip pour Bad Romance, elle interprète un extrait de ce qui sera la chanson-titre de son prochain album, qu’elle dit avoir écrit en dix minutes. Le single Born This Way sort le 30 décembre 2010, suivi des singles Judas, The Edge Of Glory, Hair, Yoü and I et Marry The Night. Lady Gaga avait prévu la sortie de neuf ou dix singles parmi ces 14 titres que comptent la version « normale » de l’album, projet qui n’a pas abouti. Si les critiques sont mitigées sur l’album, reprochant parfois des mélodies déjà entendues, cela n’empêche pas les fans de se ruer dessus au point de s’en écouler 15 millions d’exemplaires.

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5 – Orelsan – Le chant des sirènes (septembre)

Aurélien Cotentin, après le succès de Perdu d’avance (2009), porté par la polémique Sale pute, s’est enfermé dix-huit mois par peur de la page blanche. Du haut de ses 29 ans, bien qu’il ait promis de ne pas sortir de deuxième album, le Normand fait même une campagne de communication assez péchue pour le promouvoir.

Après avoir joué le vingtenaire perdu dans Perdu d’avance, Aurélien Cotentin a joué le pré-trentenaire qui n’y comprend plus rien à rien (Plus rien ne m’étonne, La terre est ronde), le rageux (Suicide Social) ou même le gros geek (Raelsan, Ils sont cools). Comme cela a fait écho à la vie que je vivais à l’époque, force est de constater que j’ai saigné l’écoute de cet album. Malheureusement, je n’ai pas suivi OrelSan sur ses albums suivants et encore moins sur Civilisation qui vient de sortir. Ce que je trouvais mignon à presque trente ans, je le trouve pathétique à presque quarante.

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6 – Noel Gallagher’s High Flying Birds – Noel Gallagher’s High Flying Birds (octobre)

En 2011, je n’avais pas encore rencontré le Mari, Liam Gallagher avait déjà sorti son album avec Beady Eye et toute la presse enfonçait le fils aîné pour avoir fait faux bond. Après donc deux ans de travail, il revient avec un combo additionnel composé du claviériste d’Oasis Mike Rowe et des parties de batterie de Jeremy Stacey du groupe The Lemon Trees. Sinon, les chœurs, les guitares, la basse, le banjo… est assuré par Noel Gallagher tout seul. Ce premier album éponyme est en majeure partie composé des chutes de studio du dernier album d’Oasis, Dig Out Your Soul (2008). Des titres comme Everybody’s On The Run, AKA What A Life ou If I Had A Gun a suffi de convaincre les fans pas hooligans que non seulement Noel se démerdait très bien sans Liam, mais surtout qu’il se démerdait très bien tout seul.

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7 – Coldplay – Mylo Xyloto (octobre)

Quand j’ai eu la nouvelle d’une nouvelle sortie d’album de Coldplay durant l’automne 2011, c’était encore l’été et je roucoulais encore à la terrasse de cafés aux bras d’un homme qui écarquillait des yeux quand j’achetais des robes Lolita-style – c’est la preuve ultime pour une femme qu’elle est bonne dans sa robe. Mais je digresse.

J’étais donc en phase passionnelle et nous discutions de ce quatrième album à venir. Nos attentes étaient grandes, notamment la mienne, puisque je considère toujours Viva la vida comme mon album préféré de la décennie 2000. Et puis est venu un truc aussi WTF qu’Every Teardrop Is A Waterfall, puis un truc crevé de bons sentiments comme Paradise. Concrètement, je me suis longtemps tâtée pour finalement acheter l’album. Tout ce que je peux dire est que Mylo Xyloto est l’album du désaccord artistique avec Coldplay que j’ai quand même suivi depuis Parachutes (2000).

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8 – Cœur de Pirate – Blonde (novembre)

La Québécoise Béatrice Martin, après un album éponyme en 2008 qui rencontre beaucoup de succès, retourne en studio pour l’écriture d’un deuxième album en parallèle de sa collaboration avec son compagnon de l’époque au groupe Armistice. Pour ce deuxième album, elle s’est entourée du producteur Howard Bilerman, qui a notamment collaboré avec Arcade Fire, pour orienter son son du côté folk, et du composteur Michael Rault pour donner une touche sixties. Blonde ne fait pas les mêmes ventes que Cœur de Pirate deux ans auparavant, malgré des locomotives telles que Golden Baby, Adieu et Place de la République.

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9 – The Black Keys – El Camino (décembre)

Ce septième album du groupe originaire de l’Ohio a été pour moi une bombe à retardement. En effet, si je le voyais passer dans les radars de la presse française dès sa sortie en décembre 2011, il m’a fallu quasiment un an et la diffusion massive de Lonely Boy sur Oüi FM fin 2012 pour me dire que l’album valait le coup de l’écoute. Et effectivement, c’est un album de rock brut comme on n’en faisait déjà plus à l’époque et qui était très appréciable pour ceux qui ont été comme moi biberonnés à Led Zeppelin et à Creedence Clearwater Revival. El Camino est tout simplement une réactualisation du bon gros blues rock sudiste mêlée à des claviers modernes et une production aux petits oignons.

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10 – Amy Winehouse – Lioness: Hidden Treasure (décembre)

Je suis encore traumatisée par le décès prématuré d’Amy Winehouse 10 ans après – nous n’avions que quelques mois d’écart, et je ne peux m’empêcher de l’imaginer si elle avait pu vivre comme moi l’aube de son 39e anniversaire. Alors imaginez-moi à 28 ans, après une année où je suis passée par tous les stades émotionnels possibles, seulement 4 mois après sa mort, avec la promesse d’inédits. Un album était effectivement en préparation, mais dans sa grande sagesse, David Joseph, patron d’Universal UK, a préféré tout détruire pour ne pas générer de fétichisme ou de marketing malsain.

En guise d’album posthume, nous avons donc ces outtakes prises entre 2001 (sa petite voix timide sur The Girl From Ipanema) et début 2011, où elle a collaboré avec Tony Bennett, une de ses idoles, sur Body And Soul. On retrouve tout ce qui a inspiré Amy durant sa vie : de la soul, du jazz, du ska… et c’est une bien maigre consolation face au vide qu’elle a laissé dans la musique.

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Alors certes, je poste cet article le 5 janvier 2022 sans même faire un bilan musical de 2021. Il faut dire que tant ma vie professionnelle que certains problèmes de santé me donnent la flemme d’écrire, et ça s’est bien ressenti en 2021. Je ne sais pas encore à l’heure actuelle si ce blog continuera, ou à quelle fréquence je le nourrirai. Cela ne veut pas dire que je n’aime plus la musique, bien au contraire. Mais voilà, je ne suis plus la petite fille de 22 ans qui écrivait au kilomètre sur ce qui l’inspirait, parce qu’elle se faisait chier à la BU et qu’elle n’était pas motivée à écrire son mémoire. Et même, je partage ma passion de la musique sous d’autres formes.

Malgré tout, je vous souhaite une excellente année musicale, qu’elle puisse vous remplir de joie comme le retour de Stromae me galvanise à l’heure actuelle. Je devrais peut-être m’en inspirer…

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À bientôt (je l’espère) pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 2001, maturité (non) silencieuse

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Le jour où je suis devenue majeure, il y a 20 ans, donc, était l’un des jours les plus rocambolesques de ma vie : étudiante à Saint-Brieuc, je me réveille à 6h30 quand j’entends le journaliste d’Europe 2 – parce que j’écoutais la matinale de Cauet à l’époque (sic) – balancer d’un ton grave : « Première nouvelle ce matin, un Américain soupçonné de meurtre a été arrêté à Dinan par le FBI… » De quoi se croire dans une dystopie pour peu qu’on soit mal réveillé.e comme je l’étais à l’époque. Après un DST en histoire romaine, je file à Rennes avec ma sœur – en passant récupérer ma cousine justement par Dinan, qui, pour le coup, ressemblait à une place forte – pour assister au concert de Garou, parce que Kamoulox. Oui, fut une époque où j’aimais Garou pour de vrai parce que j’aimais aussi la comédie musicale Notre-Dame de Paris. J’avais une excuse pour cette erreur de jugement : c’était à l’époque où ils n’avaient pas encore casté Hélène Ségara pour faire Esmeralda…

2001 en musique, donc, n’a pas été qu’une année fantasmée par Pierre Bachelet avec sa dystopie post-apocalyptique à base de survivalisme nucléaire et de petits enfants qui se préparent à vivre leurs premiers pas dans l’âge adulte en ânonnant des visions d’horreur dignes de The Thing de John Carpenter.

J’exagère peut-être, mais quand j’entends des gosses chanter On pos’ra nos valises, nos cantines en fer/ sur un bout de banquise, un coin de désert/ et on s’lav’ra les dents avec des refrains/ quand on aura 20 ans en l’an 2001, je pense soit à Mad Max, soit à War Games. Je sais bien qu’en 1986, on était encore dans une période où le péril de la guerre nucléaire était présente dans les esprits – c’est d’autant plus présent que l’Ukraine et l’est de l’Europe ont bien pris conscience du bordel qu’une explosion nucléaire massive pouvait causer –, mais tout de même, on avait l’impression que 2001 dans les années 1970-1980 sonnait comme 2050 aujourd’hui. Et je sens que je vais me lancer dans un long discours sur ce qu’a représenté l’année 2001 dans mon parcours intellectuel. Ca va certainement vous faire chier, mais le fait que j’atteigne la majorité cette année-là a conditionné une partie de ma réflexion actuelle sur le monde, et par conséquent la musique.

J’étais donc en première année d’études d’histoire, j’avais donc des cours d’historiographie et d’épistémologie historique. A l’époque – période anté-11 septembre, ce qui prédominait idéologiquement dans ce que j’ai reçu comme enseignement sur la réflexion historique, c’était évidemment la thèse du chercheur américain Francis Fukuyama qui reprenait la thèse hégelienne de la fin de l’histoire en l’appliquant à l’histoire récente. Faisons simple : Francis Fukuyama a essayé de voir dans le topos des effondrements des dictatures de l’Europe méditerranéenne à la fin des années 1970, puis dans l’effondrement du bloc soviétique qui s’est « concrétisée » avec la chute du mur de Berlin en 1989 une victoire finale de la démocratie libérale et de l’économie de marché. D’autres théories sur la « fin de l’histoire » s’étaient développées dans le même temps, soit pour abonder, soit pour contredire Hegel et/ou Marx. En tout cas, tant chez les apprentis historiens que nous étions que même chez nos professeurs, nous étions conditionnés à se dire que nous avions assisté à une sorte de point final du fonctionnement cyclique de l’histoire. C’est pour cette raison que nous avons tous été bouleversés à ce point par les attentats du 11 septembre. Aujourd’hui, en discutant avec le Mari et avec le Beau-Père, j’ai pris conscience d’avoir assisté à un changement de positionnement d’influence géographique/économique/diplomatique, mais à l’époque, qui aurait pu y penser, à part les diplomates et ceux qui étaient dans le secret des dieux en Orient ?

Ce que je retire de cette année musicale revient à parler des derniers feux d’une certaine forme d’innocence, car c’est bien de ça dont il est question quand on arrive à l’âge de 18 ans. Je retiens donc d’une part des mélodies naïves – coucou Lorie – et d’autre part les années 1990 qui décident d’être un poil plus réflexives sur le monde – coucou Radiohead. Ce mélange entre sens de la fête et de l’insouciance et drames humains et politiques sont deux bornes d’un même cerveau qui ne se mélangent qu’à de très rares occasions – coucou Gorillaz. Allez, c’est parti.

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1 – St Germain – Tourist (non daté)

En 2001, la French Touch connut un hiatus. En effet, le combo Daft Punk/Cassius/Laurent Garnier avait marqué la fin des années 1990, quand David Guetta, Martin Solveig et Bob Sinclar n’avaient pas encore émergé. Dans cet entre-deux cotonneux a débarqué Ludovic Navarre, qui mixe depuis ses 24 ans en 1993 dans les clubs parisiens sous divers pseudos. Il sort son premier opus sous le pseudo de St-Germain (en référence à Saint-Germain-en-Laye, son lieu de naissance en 1969) en 1995. En 2000, il signe avec le label de jazz Blue Note et se permet de mixer ses sonorités électriques avec différentes palettes du jazz. Cela donne ce troisième album, Tourist, qui lui permet d’acquérir une nouvelle notoriété à l’international et d’acquérir trois Victoires de la musique en 2001 (Découverte jazz, Découverte scène, Album électronique).

Petite anecdote personnelle : ma cousine, qui avait acheté l’album, me l’avait ripé sur un CD-R, et il a pas mal tourné dans nos soirées durant l’été 2001. C’est un album qui m’a également accompagnée durant mes soirées étudiantes en solitaire, comme un disque doudou.

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2 – Daft Punk – Discovery (mars)

Plus que Saint-Germain, ce qui a permis de combler un éventuel hiatus de la musique électronique française en 2001 est ce deuxième album du duo fondé par Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Cristo. Plus orienté pop et disco que Homework (1997), l’album a dérouté certaines critiques, avant d’obtenir une approbation massive. Si les singles One More Time – Harder, Better, Faster, Stronger – Digital Love – Aerodynamic – Face To Face et Something About Us sont de véritables petites pépites, j’estime que l’album est tellement génial dans son ensemble que ces singles ne sont même pas mes morceaux préférés de l’album. Mais plus que l’aspect sonore du projet, c’est surtout la direction artistique qui a marqué le public. En effet, les clips ont tous été réalisés par Leiji Matsumoto, créateur du shônen Albator. Il en a d’ailleurs profité pour carrément réaliser un film d’animation muet, Interstella 5555 (2003), dont l’album Discovery représente de fait la bande son.

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3 – Gorillaz – Gorillaz (mars)

Je me rappelle de toute la communication de ce groupe virtuel fondé en 1998 par le musicien Damon Albarn et le graphiste/bédéiste Jamie Hewlett. Personne, à l’époque – Internet était encore balbutiant – ne se doutait de l’identité des membres du groupe derrière ces quatre personnes semblant être dessinées par un mangaka punk. Un premier EP, Tomorrow Comes Today, sort en 2000 et est très bien accueilli par le milieu underground anglais. Des adresses Hotmail ont même été crées pour ajouter un sens du réel aux membres du groupe. Quand l’album est sorti en mars 2001, vu le phénomène qu’a représenté le single Clint Eastwood, ces adresses ont vite été saturées. Il a fallu donc blinder la back story de Stuart « 2D » Pot, chanteur et claviériste, Murdoc Niccals, bassiste, Russell Hobbs, batteur et Noodles, la petite fille guitariste. Etant donné que la voix de Damon Albarn était très reconnaissable sur le single Clint Eastwood, il disait n’être qu’un collaborateur au même titre que le producteur Dan The Automator, le rappeur Del The Funky Homosapien ou Ibrahim Ferrer.  

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4 – Yann Tiersen – Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (avril)

Moment anecdote : Quand j’ai finalement vu le film au cinéma en décembre 2001, soit huit mois après sa sortie cinéma, je suis restée scotchée dans la salle de cinéma avec un sourire con pendant une dizaine de minutes, jusqu’à ce que ma sœur me tire par la manche en disant Allez, viens, on s’en va. Voir ce film pour la première fois a fait partie de mes rêves éveillés dont j’espère me souvenir à vie, comme le coucher de soleil sur Tetiaroa quand j’avais 7 ans.

Yann Tiersen, issu du conservatoire et de la scène rock de la fin des années 1980 à Rennes, commence à se faire connaître dans les années 1990 avec des albums tirés de ses compositions au théâtre comme La valse des monstres (1995), Rue des Cascades (1996 – dont beaucoup de morceaux ont été repris pour La vie rêvée des anges d’Eric Zonca, 1997) et Le Phare (1998). Pour constituer la bande originale du Fabuleux destin…, il a d’ailleurs pioché dans ces divers albums, ainsi que dans l’album qu’il a sorti en parallèle au mois de juin de la même année, L’absente. Seules les Valses d’Amélie s’avéreront être des compositions inédites.  Surfant sur le succès mondial du film, l’album de cette BO se vendra à 3 millions d’exemplaires, dont 800.000 en France.

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5 – Destiny’s Child – Survivor (mai)

Vendu à 15 millions d’exemplaires à travers le monde, ce troisième album studio du groupe composé à l’époque de Beyoncé Knowles, Kelly Rowland et Michelle Williams a assis en 3 singles la réputation d’un girls’ band déjà bien ancré à la fin des années 1990. Cet album sort surtout dans un contexte de crise : le girls’band évoluait à quatre membres lors de l’album précédent, The Writing’s On The Wall (1999). Il y avait donc Beyoncé et Kelly, mais aussi LeToya Luckett et LaTravia Robertson. Le problème étant que ces deux dernières voulaient se séparer de Matthew Knowles, père de Beyoncé et manager du groupe, puisqu’elles estimaient être désavantagées sur le plan fiduciaire. Qu’à cela ne tienne : elles furent remplacées par Michelle Williams et Farrah Franklin, qui quitta le groupe quelques mois après l’avoir intégré en 2000. Si The Writing’s On The Wall avait connu son petit succès avec Bills, Bills, Bills et Say My Name, Survivor fut également porté par le choix d’Independant Women, Part I comme bande originale du premier film Drôles de dames par McG (2000). Après ce succès fulgurant, les trois membres restants du groupe en ont profité pour développer leurs carrières solo, avec la notoriété qu’on leur connaît.

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6 – Muse – Origin Of Symmetry (juin)

*Aparté*

Je lance New Born et le Mari débarque derrière :

Merci qui ? Merci John Leckie ! En fait, Muse, c’est les Stone Roses qui ont réussi !

Merci mon cœur, pour ton avis avisé. Le problème étant que Matthew Bellamy, Christopher Wholestenhome et Dominic Howard ne sont pas trois autistes qui sonnent comme des brêles en live.

Enfin, là où je suis bizarrement d’accord avec le Mari, c’est que je suis en désaccord artistique avec Muse depuis Absolution (2003)… soit le premier album non-produit par John Leckie.

*Fin de l’aparté*

Deuxième album du groupe anglais, produit en partie donc par John Leckie, il intègre Feeling Good, popularisé par Nina Simone en 1965, mais aussi des inspirations de Philip Glass et de Serge Rachmaninov. Une partie des titres composés avaient d’ores et déjà été interprétés en concert durant la tournée suivant l’album Showbiz (1999). Cet album est également l’occasion d’explorations sonores pour le groupe, que ce soit certains sons d’orgues et de claviers pour Matthew Bellamy, des orientations de micros pour les percussions de Dominic Howard ou les différents types de distorsion pour les guitares de Christopher Wholestenhome.

C’est avec cet album que je les ai découverts en juin 2002, à la faveur de soirées de fin d’année universitaire. Il a fait partie des deux albums que j’ai écoutés en boucle alors que ma vie allait se bouleverser. Cet album, je l’ai écouté en boucle, et mon amour pour le groupe n’a eu d’égal que ma déception quand j’ai écouté Absolution.

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7 – Radiohead – Amnesiac (juin)

Ce cinquième album du groupe britannique forme un diptyque avec Kid A (2000), et nous remercions le groupe d’avoir justement réuni ledit diptyque en sortant KidAmnesia ce 5 novembre 2021. Cela nous a permis avec le Mari de combler ce hiatus que nous avions avec le groupe depuis 1997 (hiatus dont nous avons pris conscience en écoutant OK Computer OKNOTOK lors de son édition en 2017). Nous avions compris à l’époque que la maturité nous manquait pour comprendre certaines œuvres considérées comme grandioses par nos contemporains, et ce fut le cas pour Kid A que je n’ai toujours pas écouté, et donc pour Amnesiac que j’ai écouté pour la première fois de ma vie il y a quelques semaines.

Si Kid A a parfois dérouté les contemporains par sa production électronique aux antipodes de ce que pouvait être OK Computer – d’où mon rejet pendant ces 21 dernières années –, Amnesiac revient à des productions plus inspirées rock « flottant » (ce qui séduisait dans l’album de 1997), pop et même free jazz, et c’est ce dernier point qui m’a personnellement séduite. L’album n’est pas porté par des singles caravanes, mais emporte l’auditeur dans des ambiances mêlant la mélancolie et la rêverie pure. Oui, comme si Debussy ou Chopin avaient pu vivre au XXIe siècle. Aucune mélodie ne reste à l’oreille, mais ce qui reste, ce sont des sensations sonores, des émotions vivaces, des impressions cotonneuses… Amnesiac, au-delà d’être un album de musique, est une expérience spirituelle qui ne peut que séduire la synesthète que j’assume d’être désormais.

Je viens d’évoquer mon émotion au Mari, et lui voit l’album comme le cheminement d’un amnésique qui retrouve peu à peu la mémoire. Pour vous dire à quel point Amnesiac touche au cœur de celui qui veut tenter l’expérience.

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8 – System Of A Down – Toxicity (septembre)

Au même titre que Killing In The Name Of de RATM, Chop Suey! de SOAD a fait partie des hymnes énervés avec lesquels j’ai été élevée, et rien que ce titre est un traineau de Noël pour le deuxième album de ce groupe californien formé par des membres d’origine arménienne. Si la fondation du groupe remonte en 1994, où Serj Tankian (chanteur) et Daron Malokian (compositeur et guitariste) fondent le groupe Soil, System Of A Down sort un premier album éponyme en 1998 qui connait son petit succès. Toxicity mêle le rock progressif à la folk et aux instruments traditionnels arméniens, tandis que les thématiques vont du génocide arménien aux violences policières, en passant par l’écologie, la pédophilie ou les abus de substances diverses.

C’est également un album qui a pas mal tourné dans mes soirées de l’été 2002, j’ai donc tendance lui aussi à ne pas associer son écoute à des moments positifs de ma vie.

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9 – Noir Désir – Des visages des figures (septembre)

Sixième album du groupe bordelais, cet opus sort le 11 septembre 2001 et a eu le même impact sur ma vie personnelle qu’un certain événement s’étant déroulé à New-York. En rompant avec la hargne et la rage qui avaient animé leurs albums depuis 1987, mais aussi avec ses habitudes d’enregistrement – au lieu d’enregistrer dans un même studio, les membres décident de se retrouver sur des sessions courtes entre Paris et Marrakech –, le groupe a décidé de prendre une autre direction artistique. Exit donc les guitares rageuses, il s’agit de plonger dans une langueur ou dans une fausse légèreté, à l’image de Le vent nous portera produit par Manu Chao ou A l’envers, à l’endroit utilisé aux Victoires de la Musique en 2002 pour fustiger les actions du PDG d’Universal, Jean-Marie Messier. Le fait que l’album sorte le 11 septembre 2001 a malheureusement entraîné une forme de censure, à l’image du titre Le grand incendie, bizarrement en adéquation avec l’actualité. Ce disque, vendu à un million d’exemplaires, est également le dernier du groupe, marqué par le meurtre de Marie Trintignant par Bertrand Cantat en août 2003.

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10 – Laurent Voulzy – Avril (décembre)

Ce quatrième album intervient quasiment dix ans après le troisième, Caché derrière (1992). Cela ne veut pas dire qu’il a chômé : en effet, il a participé durant ce temps à l’écriture de deux albums de son comparse Alain Souchon (C’est déjà ça, 1993 et Au ras des pâquerettes, 1999). Il renoue avec le succès en proposant des titres comme Mary Quant, Une héroïne, La fille d’avril et Amélie Colbert. On dirait que le temps n’est pas passé depuis 1992 et son dernier album, preuve que le chanteur avait trouvé un style bien à lui et qu’il stick to the plan. En bonne fan du chanteur, je me suis jetée sur le disque dès sa sortie à l’époque et je l’ai beaucoup écouté pour m’évader du marasme qui commençait à m’envahir.

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 1991, lever de soleil sur un champ de ruines

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Quand je dis à des personnes nées après moi – genre à partir de 1990 – que j’ai vu de mes propres yeux la chute du mur de Berlin (avec cette angoisse en pleine nuit de ma mère qui était persuadée que mon père, parti le matin même pour suivre le début des festivités du Carnaval en Allemagne, allait rester prisonnier là-bas – il faut désormais des efforts d’imagination pour imaginer un monde où un tel événement se passe sans portable, sans Internet et sans BFM), la fin de la Guerre Froide, l’effondrement du bloc communiste, la Guerre du Golfe et le conflit en ex-Yougoslavie, c’est le moment où je passe inévitablement pour une vieille conne. Quand je regarde mon neveu de 8 ans – bordel –, ou même mes cousins nés après 1990, je n’ose imaginer ce qu’ils seraient devenus s’ils avaient vécu ce que j’ai vécu du haut de mes propres 8 ans. Même si le Mari était persuadé que la paix dans le monde pouvait exister entre 1996 et 2001 – je lui pardonne, il avait entre 12 et 17 ans et avait par conséquent un gros potentiel Greta Thunberg –, force est de constater que cette ambiance crépusculaire est difficile à appréhender quand on a un potentiel d’innocence d’un enfant de 8 ans comme j’étais.

1991 est aussi important pour moi, car si j’avais 8 ans, ma sœur en avait 12 et mes oncles 26 et 36. Pourquoi est-ce important ? Parce que ma sœur comme mes oncles ont été mes plus grands guides musicaux et que ça a correspondu pour ces trois personnes à une époque où chacun et chacune consommait BEAUCOUP de musique. Il faut savoir de surcroît qu’entre la fin d’époque (Dire Straits, Queen), les retours victorieux (Bashung, R.E.M, Stephan Eicher, RHCP) et les révélations tonitruantes (Nirvana, MC Solaar), 1991 a fourni un vivier musical exceptionnel et je suis ravie d’avoir vécu cette année-là pour la raconter trente ans après. Le problème étant que la marmite bouillonnait tellement que je n’ai pas pu choisir entre dix albums, mais que j’en ai sélectionné douze (et encore, je n’ai pas tout cité ce que je retiens de l’époque, c’est dire). Quand j’ai demandé au Mari ce qu’il fallait retirer de la liste, il m’a clairement dit : C’est impossible, tout ce que tu as cité est important. En effet, j’écoutais déjà ces albums à l’époque et j’en comprenais l’importance.

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1 – Queen – Innuendo (février)

Je dois l’avouer : j’ai fait connaissance avec Queen alors que Freddie Mercury était déjà mort. C’était durant la période de Noël 1993, quand France 2 a diffusé le concert hommage à Wembley et que mon père a eu la bonne idée de le riper sur une VHS. Par conséquent, je n’ai pas pu évaluer l’importance d’Innuendo dans son époque – même s’il a eu son effet Double Fantasy où les charos se sont mis soudainement à aimer l’album et à ne le critiquer que positivement après le 25 novembre 1991. Aujourd’hui, j’ai la même réaction face à Innuendo que le Beau-Frère face à Blackstar de David Bowie : je ne peux pas l’écouter sans me sentir oppressée ou sans pleurer. Je viens même de dire au Mari que The Show Must Go On est la chanson la moins poignante de l’album, alors que je pleure comme jaja quand je l’écoute en situation. Je sais bien qu’après The Miracle (1989), tant Brian May, Roger Taylor que John Deacon étaient mis au parfum de la situation sanitaire de Freddie Mercury et qu’une course contre la montre s’était engagée pour fournir le plus de prises de voix possibles pour d’éventuelles sorties posthumes. Mais tout de même, si Made In Heaven a ses passages très lumineux, Innuendo revêt de la première à la dernière note une p*tain de chape de plomb qui s’insinue dans toutes les pores de l’auditeur. C’est peut-être ce qui a désarçonné les critiques à la sortie immédiate de l’album au début de l’année 1991. Le Mari me dit que les critiques reprochaient des chansons niaises.

Certes.

Preuve qu’on pouvait en 1991 faire la blague de ne pas voir la mauvaise santé d’un artiste quand on écoutait son potentiel dernier disque.

*Aparté*

Pour avoir personnellement fait l’expérience d’écouter Blackstar de David Bowie dès le 8 janvier 2016, à la manière dont le disque m’a tabassé la gueule bien sévère, j’ai supposé que quelque chose n’allait pas chez David Bowie. Mais j’avais juste mis ça sur le compte de la vieillesse ou de la dépression, ou whatever.

*Fin de l’aparté*

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2 – R.E.M – Out Of Time (mars)

Qu’est-ce que j’ai pu écouter cet album en cassette chez ma sœur. Plus que Nevermind, plus que le Black Album, cet album de 1991 est devenu au fil des années ma madeleine de Proust.

Si le groupe de Michael Stipe, fondé en 1979, avait un beau succès d’estime aux États-Unis, ce septième album avec des tubes tels que Shiny Happy People et Losing My Religion amorce un virage folk pour ce groupe très axé sur le rock. Ce changement artistique leur a non seulement permis de faire une percée à l’international, mais aussi et surtout d’obtenir trois Grammy Awards en 1992.

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3 – Mylène Farmer – L’autre… (avril)

Troisième album de l’artiste française née au Canada, il est porté par les singles Je t’aime, Mélancolie, Beyond My Control (où elle sample la voix de John Malkovich en Valmont dans les Liaisons Dangereuses de Stephen Frears), Regrets en duo avec Jean-Louis Murat et surtout Désenchantée. Ce dernier succès est surtout porté par un clip aux airs de court-métrage qui est « construit » comme le dernier tome d’un triptyque formé avec les clips précédents de Libertine et Pourvu qu’elles soient douces, même si ce clip se déroule dans une temporalité différente (le XIXe siècle industriel au lieu du XVIIIe siècle rococo). Avec cette ambiance crépusculaire mâtinée de son indus, Mylène Farmer est devenue la plus grande vendeuse francophone avant d’être détrônée par le D’eux de Céline Dion (1995).

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4 – Stephan Eicher – Engelberg (juin)

Le natif du canton de Berne n’était pas un inconnu quand ce sixième album, écrit en collaboration avec l’écrivain Philippe Djian – avec lequel il noue une grande amitié et une riche collaboration depuis leur rencontre sur le plateau de Rapido d’Antoine de Caunes en 1988 – pour les chansons en langue française et la plasticienne et musicienne Klaudia Schifferle pour des chansons en anglais et allemand. Auparavant, il a collaboré au groupe allemand Grauzone, qui a connu le succès Eisbär (1981), et s’est imposé en France avec notamment Combien de temps (1987). Engelberg lance la carrière de Stephan Eicher dans une autre dimension avec les succès stratosphériques des singles Déjeuner en paix et Pas d’ami (comme toi).  

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5 – Metallica – Metallica (août)

Autre gros moment de partage avec ma sœur qui, du haut de ses 13 ans, menait sa révolution adolescente en écoutant cet album en boucle dans son baladeur. Je me souviens de moments où, lors de trajets en voiture, je la regardais en transe sur Nothing Else Matters. Elle me tendait son casque et me disait : Écoute, c’est trop beau… Trente ans après, à force de côtoyer des rockeurs et de métalleux en tous genre, je vois l’impact de cet album sur les enfants que nous étions.

Avec 30 millions d’albums vendus, ce cinquième album du groupe est celui de tous les superlatifs. Alors que Metallica était un groupe de trash metal avec un succès conséquent depuis leur fondation en 1981, là, on baisse les tempos, on met de la guitare acoustique, de la basse 12 cordes pour l’introduction de Whenever I May Roam et on appelle Michael Kamen pour faires les arrangements de cordes. Si les fans de la première heure crient à l’imposture, ces power ballads combinés à des riffs puissants leur ont permis de conquérir un nouveau public qui lui reste fidèle avec les années.

En m’étant intéressée à la discographie générale du groupe, force est de constater que, si le Black Album a permis au groupe de se mettre à explorer, ça a été un tournant à double tranchant. En rendant son son accessible, le groupe s’est mis à faire de la facilité, voire des albums difficilement écoutables comme St Anger de triste mémoire.

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6 – Dire Straits – On Every Street (septembre)

Ce sixième et dernier album de la formation anglaise fondée en 1977 a débarqué six ans après Brothers In Arms (1985) qui a été l’album des superlatifs : une tournée ininterrompue d’un an et 30 millions d’albums vendus. Fatigué par le gigantisme que son groupe avait acquis, Mark Knopfler a décidé de commencer à développer son répertoire personnel, moins power blues et plus folk – ce qui présagera de sa suite de carrière à partir de 1996. Pour enregistrer cet ultime album, Mark Knopfler s’entoure de son bassiste de toujours John Illsley, mais aussi des claviéristes Alan Clark (qui collabore depuis Making Movies (1980)) et Guy Fletcher qui a rejoint le groupe avec Brother In Arms. Parmi les collaborations de studio, on peut retrouver George Martin à l’arrangement des cordes, ainsi que les batteurs Manu Katche (qui était PUTAIN de partout à une époque) et Jeff Porcaro (Toto). Prévu pour 1990, le groupe a préféré attendre la fin de la guerre du Golfe pour enregistrer l’album. Même s’il n’obtient pas autant de succès que précédemment, même s’il est porté par des chansons telles que Heavy Fuel et surtout Calling Elvis, cet album s’est vendu à 10 millions d’exemplaires.

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7 – Nirvana – Nevermind (septembre)

Plus encore que le Black Album, cet album aura été un album rock générationnel qui aura marqué durablement la scène musicale au point qu’on aurait cru à un renouveau du rock. Je ne déconne pas : Nevermind, comme le Black Album, aura permis à une scène rock moribonde de repartir sur de nouvelles bases. Le problème est qu’avec le recul, et en ayant bien analysé Bleach (1989) et In Utero (1993 – dont je conseille vivement l’écoute du mix de Steve Albini pour les vingt ans de l’album tant les morceaux ne se réduisent plus à une pluie de parpaings dans la gueule), on a l’impression qu’avec Nevermind et l’immense succès qu’il a remporté, le groupe s’est caricaturé. Je ne dis pas que les chansons sont devenues mauvaises trente ans après – bien au contraire, ça reste un excellent album de rock intemporel. Malgré tout, quand on voit ce qu’ils ont pu faire avec In Utero en termes d’expressions brutes, voire brutales, on peut se dire que les gars ont eu du succès en n’étant pas à leur pleine potentialité. Mais je comprends le dégoût de Kurt Cobain quand il a vu la déformation que le public a pu faire de son expression musicale. Lui qui se pensait inadapté, il a eu l’impression de se prostituer quand il a vu tous ces gens se réapproprier son mal-être. Mais Nevermind, ça reste l’histoire de trois gars qui ont su faire du rock bruyant un nouvel espace d’expression émotionnelle massive.

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8 – Red Hot Chili Peppers – Blood Sugar Sex Magic (septembre)

Je vais me répéter en disant que cet album a beaucoup tourné dans mon entourage – c’est le lot d’être la petite sœur d’une fille de 12 ans qui fête son adolescence à base de beaucoup de rock alternatif.

Ce cinquième album de la formation californienne en place depuis 1983 est la confirmation d’une révolution interne. En effet, l’album précédent, Mother’s Milk (1989), voit l’arrivée du guitariste John Frusciante, 18 ans à l’époque (qui remplace Hillel Slovak mort d’une overdose d’héroïne en 1988) et du batteur Chad Smith (parce que le précédent batteur permanent, Jack Irons, ne se remettait pas de la mort de Hillel Slovak). Avec cette nouvelle composition, le groupe devient celui qui reste iconique aux yeux des fans. Si Mother’s Milk rencontre un succès au point de devenir disque d’or, Blood Sugar Sex Magic va les propulser dans une autre sphère. Grâce au talent combiné de John Frusciante et du producteur mythique Rick Rubin – qui avait refusé de bosser avec eux pour leur troisième album The Uplift Mofo Party Plan (1987) à cause de leurs problèmes communs avec les drogues –, le groupe devient culte avec cet album. Le problème étant que si Anthony Kiedis et Flea en avaient vus d’autres et savouraient leur succès, John Frusciante nous a fait un coup de calgon lors de la tournée qui s’en est suivi en 1992 et à commencer à avoir lui-même des problèmes de drogue. Si bien qu’il fallut le remplacer pour One Hot Minute (1995), mon album préféré des RHCP, par Dave Navarro, guitariste de Jane’s Addiction.

C’est d’ailleurs un running gag sur Twi avec monsieur Joe Hume, honorable présentateur du nouveau Morning de Oüi : lui-même trouve RHCP surcoté et ne supporte désormais que… One Hot Minute. Et moi du coup d’abonder dans son sens.

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9 – MC Solaar – Qui sème le vent récolte le tempo (octobre)

Ecouter les disques de ma sœur ne m’a pas empêcher d’avoir mon univers musical personnel du haut de mes 8 ans, même si je n’étais pas autant en mesure de m’exprimer à l’époque. Et mon univers musical personnel, il était notamment fait de hip-hop sur lequel je dansais dans les soirées de colonies de vacances. Je faisais même des battles de danse…

Tout ça pour dire que, bien davantage que Benny B et Tonton David, 1991 a vu la naissance de deux monuments du hip-hop français : I AM et MC Solaar. Si les Marseillais ont sorti De la planète Mars au mois de mars 1991 sans toucher le public qu’il a conquis par la suite, Claude M’Barali de son nom de naissance a suffisamment mené sa barque depuis 1988 et ses freestyles dans l’émission de Lionel D et Dee Nasty sur Radio Nova. A l’époque, cet étudiant en langues étrangères à Jussieu et fils de traducteur travaillait ses textes en lisant le journal. Ayant par la suite tourné plusieurs clips (pour Bouge de là et Quartier Nord) réalisés pour l’émission Rap Line diffusée sur M6, il sort son premier album, sous l’égide de Boom Bass (Hubert Blanc-Francard, qui sera par la suite la moitié de Cassius avec Philippe Zdar) et Jimmy Jay (Christophe Viguier, qui a produit la plupart des rappeurs de la région parisienne dans les années 1990). Pour réaliser les samples de cet album, les producteurs ont, comme tout le monde à l’époque, pioché dans tout le répertoire funk/soul des années 1970. Ainsi, Bouge de là contient The Message de Cymade (1972), Armand est mort contient Inner City Blues de Marvin Gaye (1971)… Le reste des samples est sur la fiche wiki de l’album, lisez-la. Si, jusque 2000, l’album a été vendu à 325.000 exemplaires, un conflit avec la maison de disques Polydor lui a ôté tous ses droits sur l’album et une éventuelle réédition. Ayant, au bout de vingt ans de procès, réussi à récupérer ses droits et ses masters, il a enfin pu rééditer son premier album qui est désormais disponible à la vente et en streaming depuis juillet 2021.

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10 – Alain Bashung – Osez Joséphine (novembre)

Ce que je retiens de mon enfance, c’est aussi ce clip qui me happait : quelle impressionnante mise en scène dépouillée où tu as l’impression d’un dialogue entre ces deux musiciens qu’on dirait liés ensemble au centre d’un univers qui dialoguent avec ce cheval qui fait le manège… Je n’avais ÉVIDEMMENT pas la maturité de comprendre la subtilité de l’interprétation d’Alain Bashung et des textes de Jean Fauque, mais il n’empêche que j’étais fascinée.

Ce huitième album, après une décennie 1980’s où Alain Bashung s’est illustré dans un mélange de rock et de new wave comme beaucoup d’artistes français de l’époque (Taxi Girl, Elli de Medeiros, une bonne partie de la scène alter…), sonne comme une révolution artistique. Bashung ne voulait plus de machines dans sa musique et voulait revenir à des sonorités plus organiques. De surcroît, à la fin des années 1980, Bashung rencontre Jean Fauque, qui deviendra son parolier favori jusqu’à sa mort. Nourri de cette nouvelle envie, il s’envole pour Memphis afin de collaborer avec le guitariste de slide Sonny Landreth et l’ancien guitariste des Eagles Bernie Leadon. Il en profite également pour enregistrer des reprises de Buddy Holly et de Bob Dylan, ainsi que Nights In White Satin des Muddy Blues. Mais cet album est surtout porté par les singles Madame rêve  et Osez Joséphine dont l’origine est très mignonne : ladite Joséphine était la fille de son batteur Philippe Draï, alors âgée de 7 ans et très timide. Lors d’un dîner, Bashung lui glissa Ah si j’osais, Joséphine. Dernière anecdote sur cet album et le clip de Jean-Baptiste Mondino : la femme « liée » dans le rond central avec Bashung n’est autre qu’Azucena Caamaño, qui deviendra par la suite épouse de Florent Pagny.

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11 – U2 – Achtung Baby (novembre)

Ce septième album du groupe irlandais est considéré par beaucoup de fans comme leur meilleur avec The Joshua Tree (1987). Il émerge pourtant dans un contexte de « crise » dans le groupe. En effet, l’album précédent, Rattle And Hum (1988) a été accompagné d’un documentaire sur The Joshua Tree Tour qui a été défoncé par la critique et le public. De surcroît, Adam Clayton, le bassiste, se fait arrêter avec de la beuh, ce qui, s’il se fait condamner pour de la prison, lui interdirait l’entrée aux Etats-Unis et au Japon. Il s’en sort avec une bonne amende – environ 35.000 euros. Bono, voyant que le groupe est à une croisée des chemins, se dit en 1989 que ce serait pas mal pour tout le monde de faire une pause. Adam Clayton en profite donc pour se construire son manoir, Larry Mullen Jr (batteur) développe des projets personnels et The Edge, tout en se séparant de sa femme, se nourrit du son alternatif de cette fin des années 1980. C’est ainsi que, quand tout le monde s’est bien reposé, après un passage en studio en Irlande, toute la fine équipe rejoignent le producteur canadien Daniel Lanois accompagné de Brian Eno aux studios Hansa de Berlin. Problème : les membres du groupe, ne s’accordant pas sur la direction artistique à prendre, se foutent dessus. Par miracle, la chanson One, aka une des chansons les plus mièvres de l’histoire du rock contemporain, les fait se rabibocher. C’est ainsi qu’ils finissent les sessions d’enregistrement à Berlin et que le groupe retrouve une vraie crédibilité aux yeux du public.

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12 – Michael Jackson – Dangerous (novembre)

Ce huitième album solo du King Of Pop clôt non seulement le triptyque formé avec Thriller et Bad, mais a surtout tourné dans TOUTES les teufs de ma fin de primaire. C’est simple : chaque fois qu’on était invités chez quelqu’un, il y a toujours un ou une invité.e qui ramenait son CD de Dangerous. On le laissait tourner toute l’après-midi et on dansait dessus. C’était le concept.

Après la fin de la tournée Bad en avril 1989, Michael Jackson avait pour projet deux compilations intégrant des inédits : Decade 1979-1989 et Decade 1980-1990. Au lieu de cela, il produit ce huitième album studio avec le producteur Teddy Riley pendant 17 mois et enregistra dans sept studios différents. Parmi les collaborateurs, on retrouve le bassiste Bernard Belle, Glen Ballard et Sideah Garrett (qui avaient déjà écrit Man In The Mirror dans Bad) mais aussi In The Closet en duo avec une Mystery Girl qui s’est avérée être Stéphanie de Monaco de passage à New-York. Admettons.

Si cet album a mis 17 mois et à coûter si cher à se faire, c’est pour plusieurs raisons. Quand Michael Jackson enregistrait, il réservait l’ensemble des studios pour éviter que quelqu’un écoute éventuellement une chute de studio et spoile l’album. Michael Jackson était également arrivé à un point de mégalomanie qu’il voulait faire une œuvre marquante « à la Casse-Noisettes de Tchaïkovski afin que, dans mille ans, les gens l’écoutent encore. » Si, formellement, Dangerous n’est pas aussi révolutionnaire que Thriller et Bad (on retrouve les mêmes thèmes dans les chansons, à savoir le romantisme, les bons sentiments, la célébrité…), il a quand même posé les jalons de la new jack dont une bonne partie de la musique populaire des années 1990 s’est inspirée. Au final, 32 millions d’albums s’en sont vendus.

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 1981, changeons la vie ici et maintenant

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L’année 1981 musicalement est marquée par un renouvellement de la quadrature du cercle musical. Le disco et les diverses formes de rock commencent à se fatiguer et la new wave n’est pas encore popularisée. En réfléchissant bien avec le Mari, on a quand même galéré à trouver de tête 10 albums suffisamment mainstream ou correspondant à mes goûts. Encore une fois, Wikipedia a été mon ami et c’est quand j’ai vu la liste des albums que je me suis dit Ah oui, mais c’est bien sûr ! Le problème de l’année 1981, c’est que beaucoup de singles sortis sont soit des one shots (La danse des canards), soit des resucées d’albums sortis en 1980 (Woman de John Lennon, issu de Double Fantasy), soit des préquelles d’albums sortis en 1982 (L’aventurier d’Indochine). Ou alors, je ne me suis pas assez intéressée à l’album quand le single est canonissime (Vertige de l’amour d’Alain Bashung sur PizzaBette Davis Eyes de Kim Carnes sur Mistaken Identity). J’ai remarqué aussi que beaucoup d’artistes et de groupes populaires des années 1960 et 1970 ont essayé en 1981 de faire quelque chose, mais tout le monde n’a pas été aussi frappant que le Start Me Up des Rolling Stones.

Ce que je remarque également, c’est que j’ai mis une bonne part d’albums issus de l’espace français. En effet, si on se rappelle collectivement de l’élection de François Mitterrand quarante ans après, c’est que, même dans la sphère musicale, un vent de renouveau frappait la France. Ceci est marqué par l’apparition de groupes underground comme Marquis de Sade et la Souris Déglinguée qui sortent des albums cette année-là, mais surtout par l’élévation de ce porte-drapeau de la musique française des années 1980 et 1990 qu’est Jean-Jacques Goldman. Bref, même s’il a fallu creuser pour faire en sorte de trouver dix albums caractéristiques de l’année 1981, force est de constater que nous avons trouvé au final des albums assez révélateurs de ce que pouvait être la sphère culturelle de l’époque. En même temps, si je fais ce genre d’articles depuis quatre ans maintenant, c’est spécifiquement pour dresser un constat similaire.

C’est parti pour une sélection très personnelle.

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1 – Tri Yann – An heol a zo glaz (non daté)

Presque dix ans après son premier album, le groupe fondé par les « Trois Jean de Nantes », avec un combo qui s’est étoffé depuis le succès de La découverte ou l’ignorance (1976), revient avec un nouvel album canonique entre réarrangements d’airs traditionnels des contrées celtiques et réflexions sur l’avenir sociétal et environnemental de la Bretagne. Si en 1978, sur l’album Urba, les compères avaient composé une gwerz sur le naufrage de l’Amoco Cadiz (Le soleil est noir), cette fois, Le soleil est vert (l’occasion de souligner qu’en breton, les couleurs *bleu* et *vert* sont désignés par le même mot). On y retrouve pour l’occasion la mise en musique d’un poème mortuaire du XVIe siècle (Si mors a mors), une chanson d’inspiration chant de marins (Guerre, guerre, vente, vent), mais surtout une gwerz de 28 minutes comprenant cinq thèmes musicaux sur des textes de Pierre Jakez-Helias qui donne le titre de l’album. Cette gwerz en langue bretonne raconte la lutte des mouvements écologistes contre le projet de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff (29) qui a rythmé l’actualité du début des années 1980.

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2 – The Cure – Faith (avril)

*Aparté*

J’ai mis Primary sur YT, j’ai le Mari qui lance derrière moi : Tiens, t’as mis le single. Ils ont dû faire une version rapide, parce qu’ils n’avaient pas de single prévu !

Vivre avec un exégète du Cure n’est pas de tout repos, croyez-moi.

*fin de l’aparté*

Troisième album du groupe anglais idolâtré par le Mari et le Beau-frère, il résulte des sessions de travail entamées dès la fin de Seventeen Seconds (1980) et de la tournée qui s’en est suivie. Robert Smith (chant, lead et claviers), Simon Gallup (basse) et Lol Tholhurst (percussions et boîtes à rythmes) ne s’entendant plus avec Matthieu Hartley (claviers), ils profitent de la fin de la tournée pour le virer. Faith est donc un album enregistré en trio et, bien que Matthieu Hartley déclare que ça tombe bien qu’il ne fasse plus partie du groupe parce que : « J’ai compris pendant la tournée que The Cure s’orientait vers une musique sombre et suicidaire, un style qui ne m’intéressait absolument pas », le Mari dirait que Faith n’est pas suicidaire, mais hivernal. S’il est enregistré durant le mois de février 1981 sous l’égide de l’ingénieur du son Mike Hedges, et si donc Primary s’est retrouvé comme single par défaut, beaucoup de critiques s’accordent pour dire que l’album est gris et sombre, au contraire de Seventeen Seconds qui était davantage un album d’ambiances diverses. Selon d’autres exégètes, les membres du groupe, bouffés par l’alcool et la drogue, auraient eu un questionnement sur la foi et la religion, ce qui aurait été le fil conducteur du disque. Les versions postérieures de l’album intègrent enfin le single isolé Charlotte Sometimes, sorti en septembre 1981, qui ne correspondait pas forcément à la cohérence de Pornography (1982), aka l’album que j’écoute avec du Dafalgan à mes côtés.

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3 – Michel Polnareff – Bulles (juin)

Là aussi, je m’attaque à un artiste adulé par le Mari (qui s’est acheté l’intégrale Pop Rock en stock) et le Beau-Frère. S’il était revenu de son exil fiscal avec le déprimant Coucou me revoilou (1978), que lui-même trouve nul avec le recul, Michel Polnareff renoue avec le succès en France avec ce septième album studio contenant les locomotives Radio, Je t’aime et Tam Tam. Il décide également de délaisser progressivement les ballades et de se raccrocher à un son plus rock, sans pour autant délaisser les claviers. Et, comme à son accoutumée, il ne joue pas avec n’importe qui. S’il a embauché à ses débuts des personnes comme John Paul Jones, Big Jim Sullivan et Jimmy Page, et si Mike Oldfield a tenu la lead sur Kamâ Sutra (1989), cette fois, parmi les musiciens studios, on retrouve Hans Zimmer aux claviers. Parmi les thématiques de chansons, outre le rapport à l’amour et à la poésie qu’on retrouve dans toutes les œuvres du chanteur, on retrouve des réflexions autour des média de masse et de l’écologie. Comme quoi, le péril écologique était une constante chez les chanteurs français cette année-là.

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4 – Sparks – Whomp That Sucker (juillet)

Dixième album du groupe tutélaire du foyer en 2021, il débarque après Number One In Heaven (1979) et Terminal Jive (1980), enregistrés avec Giorgio Moroder et/ou son équipe. Si Whomp That Sucker est encore une fois enregistré dans les studios du célèbre producteur à Munich, c’est cette fois Reinhold Mack – responsable du son de Queen entre 1980 et 1984 et qui revenait justement de l’enregistrement de The Game (1980) – qui s’occupe de la production. Comme le virage disco n’a pas trop pris, malgré la résolution de Ron Mael de faire évoluer le son du duo par ce biais, une nouvelle orientation plus rock a été prise en recrutant le backing band Bates Motel. Cette collaboration a duré durant cinq albums, jusque Music You Can Dance To (1986). L’album est porté par les singles Funny Face en France et Tips For Teens au Royaume Uni, ce qui lui a permis de pouvoir se classer au Billboard 200 à la 182e place, chose qui n’était pas arrivée depuis Indiscreet (1975). En même temps, leur album le plus pourri – In Outer Space (1983) – a été classé 88e et il a fallu attendre A Steardy Drip Drip Drip (2020) pour que Sparks se reclasse audit Billboard. Soit nul n’est prophète en son pays, soit les Américains ne respectent pas leurs artistes alternatifs.

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5 – The Rolling Stones – Tattoo You (août)

Le Mari et moi avons ceci comme consensus que les Rolling Stones auraient dû arrêter leur carrière en 1978 après Some Girls. Et, vu la genèse de Tattoo You – en gros, une compilation de fonds de tiroirs bossés entre 1972 et 1979, parce qu’en gros, les gars n’avaient pas d’album à promouvoir en partant en tournée après celle d’Emotional Rescue (1980) –, et vu ce numéro de cirque qu’est Start Me Up, je pense que nous avons tout à fait raison sur ce sujet. Il était grand temps que Mick Jagger et Keith Richards se fassent de vraies vacances de milliardaire au lieu de laisser l’ingénieur du son de Some Girls et Emotional Rescue se dire que, allez, les gars pouvaient se permettre d’enregistrer des titres écartés des précédents albums. La carrière entière de Beady Eye prouve que ce genre d’album est une idée à la con.

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6 – Jean-Jacques Goldman – Jean-Jacques Goldman (Démodé/A l’envers) (septembre)

C’est avec ce riff simpliste et cet inspiré Il suffira d’un signe, un matin que saint Jean-Jacques débarqua dans la variété française comme un parpaing dans la gueule d’un CRS. Doté d’une solide formation musicale acquise chez les Eclaireurs, la paroisse de gospel de Montrouge et la pratique du piano et du violon, Jean-Jacques intègre Taï Phong en 1975 jusqu’à la séparation du groupe en 1979. Il se fait alors repérer par le producteur Marc Lumbroso qui décide de lui faire signer pour cinq ans chez Epic. Ce premier album éponyme devait s’appeler Démodé, mais la maison de disques n’était pas chaude. Si Il suffira d’un signe a été un single à succès, l’album n’a pas pour autant remporté l’adhésion du public de suite, si bien que Jean-Jacques a réfléchi à reprendre le magasin Sport 2000 de ses parents si le deuxième album suivait le même chemin. Heureusement, le deuxième album éponyme – décidément, Jean-Jacques a mis du temps avant de savoir nommer ses albums –, sorti en 1982, a eu un succès monstre. Ce premier album a vu sa notoriété gagner avec les années, et sont ressorties des chansons telles que Pas l’indifférence, Sans un mot ou Le rapt.

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7 – Depeche Mode – Speak And Spell (octobre)

A l’origine du groupe étaient Vince Clarke et Andrew Fletcher, deux amis de lycée joueurs de synthé, qui ont recruté dans un premier temps Martin Gore, puis Dave Gahan quand il a fallu embaucher un chanteur. C’est d’ailleurs ce dernier qui a trouvé le nom du groupe en s’inspirant d’un magazine français. Dans un premier temps, ils réussissent à faire publier leur single Photographic sur la compilation de la maison de disque Some Bizzare Records. Un autre manager, Daniel Miller, les entend dans un club londonien en 1981 et décide de les signer. Ce premier album de onze titres (neuf signés Vince Clarke et deux Martin Gore) ne contient pas de guitares, mais uniquement des synthétiseurs et des boîtes à rythme. Dreaming Of Me et New Life n’ont été commercialisés dans un premier temps en Angleterre et ont permis d’établir une réputation au groupe. Mais c’est avec le troisième single, Just Can’t Get Enough, que la carrière du groupe prend une dimension internationale. Face à ce succès, Vince Clarke se casse pour fonder Yazoo et Erasure, laissant les trois autres sans parolier. C’est ainsi que Depeche Mode aura des succès d’estime jusqu’en 1986 et Black Celebration.

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8 – Francis Cabrel – Carte Postale (octobre)

Si je devais émettre une critique purement personnelle, je dirais que ce quatrième album a un sentiment d’essoufflement. En effet, même si on retrouve toujours le style de l’auteur-compositeur, on dirait qu’il commence à s’autoparodier. La preuve : il n’y a pas de single locomotive qui reste dans la tête. Carte postale et Répondez-moi, si ces chansons sont impeccables et très belles au point d’être poignantes, n’ont pas l’âme d’une Petite Marie ou même d’un C’était l’hiver. Pour moi, une chanson se distingue parmi les autres, c’est Ma place dans le trafic : c’est la seule où on ne retrouve pas une certaine forme de mélancolie usée, mais une forme de cynisme larvé qui fait la force de ses chansons les plus vindicatives (je pense notamment aux Murs de poussière ou à Encore et encore). Sinon, j’ai vraiment l’impression d’entendre un album de Léo Ferré.

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9 – Prince – Controversy (octobre)

Après des débuts emplis de timidité en 1978 et 1979, le petit génie de Minneapolis a décidé de passer la seconde musicalement et textuellement avec Dirty Mind (1980) et Controversy (1981). Sur ce quatrième album, comme sur le précédent, le sexe est au centre des chansons, mais aussi le pacifisme en contexte de regain de la Guerre Froide (Ronnie, Talk To Russia) et la conscience de soi (Controversy). Musicalement, entre funk et ballades synthétiques, Prince impose son style en jouant comme à son accoutumée de la plupart des instruments, ne laissant son backing band n’intervenir que ponctuellement sur Let’s Work ou Jack U Off. Au final, Controversy totalise 2.6 millions d’exemplaires vendus, dont 500.000 exemplaires en 3 semaines et réussit à se hisser à la 3e place du Billboard Top R&B/Hip Hop et à la 21e du Billboard 200.

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10 – Renaud – Le retour de Gérard Lambert (novembre)

Renaud, pour ce cinquième album, reprend la figure tutélaire de Gérard Lambert, héros d’une de ses chansons incluse dans Marche à l’ombre (1980), qui trouve son inspiration dans Gérard Lanvin, ex-compagnon de son épouse de l’époque, Dominique. Avec cet album, Renaud souhaite faire ses adieux à ses thématiques de loubard, étant désormais marié et père de famille. Avec des chansons comme Banlieue rouge, Manu (ma BAE de l’artiste) ou Mon beauf’ (qui présente un beauf à la Cabu), et même Soleil immonde écrite par Coluche, Renaud n’a pourtant pas réussi à avoir autant de succès que Marche à l’ombre, mais l’album gagne sa réputation d’album de transition avec un mastodonte tel que Morgane de toi (1983).

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.

Discographie sélective : 1971, de l’autre côté de l’Atlantique

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Pour tout vous dire, ça va faire quatre ou cinq fois où je m’attèle à faire cette discographie sélective de 1971, et il me reste deux mois et demi pour faire 1981, 1991, 2001 et 2011. Je m’en mets même à douter de ma capacité à parler musique, mais j’ai dû mettre mon énergie dans d’autres biais depuis deux ans, comme tout le monde. La vieillesse qui pointe son nez, plus le confinement qui a rebattu mes cartes, font que je ne peux plus écrire ces articles fleuves comme je le fais depuis 2005. Mais passons.

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Nous arrivons donc en 1971 qui, comme toute année en 1, marque plus significativement que les années 9 ou 0 les changements de paradigmes de création. Cette fois, j’ai trouvé un topique sur cette année-là : le continent américain, et notamment New-York, a particulièrement été un grand vivier créatif. Que ce soient les ex-leaders des Beatles qui se foutent sur la gueule par albums interposés, les B.O. les plus dingues de la blaxpoitation naissante ou bien un aller-retour pour mieux enregistrer au pays, le son américain commence à bien prendre ses marques dans le paysage sonore mondial et je vais le montrer avec les dix albums sélectionnés.

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1 – The Doors – L.A. Woman (avril)

Finir une carrière discographique du vivant de Jim Morrison sur un titre qui sublime à ce point le génie de Ray Manzarek que Riders On The Storm est une vraie bénédiction. Bien que le groupe ait continué après – rien qu’en sortant Other Voices dès 1971 où Robby Krieger et Ray Manzarek se sont mis au chant pour pallier le décès de Morrison –, L.A. Woman est donc cette dernière capsule sonore de cette poésie lancinante qui naviguait entre le slam et le blues. Produit au studio du groupe à Los Angeles par Bruce Botnick, arrivé après la brouille du groupe avec son producteur historique Paul A. Rotchild, le groupe a enregistré cet album dans les conditions du direct ; les pistes ont été juste amendées avec des overdubs de Ray Manzarek. Le groupe en a également profité pour enchaîner avec des pistes de travail d’Other Voices, pensant au mois de mars 1971 que Jim Morrison allait revenir de Paris.

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2 – The Rolling Stones – Sticky Fingers (avril)

Là aussi, nous sommes dans un contexte de rupture historique dans le groupe. Brian Jones – l’âme du groupe – étant mort en 1969 pendant les sessions de Let It Bleed, il se trouve également que le contrat des Stones avec Decca arrivait à sa fin. Chouette ! On va pouvoir ENFIN faire ce qu’on veut !

SAUF QUE

Allen Klein, leur manager historique, a négocié qu’en gros, Mick Jagger et Keith Richards lui ont vendu leurs droits d’auteurs qui désormais lui appartiennent. Ils ont logiquement un seum de malade.

C’est dans ce contexte troublé que naît ce disque à la pochette franchement obscène – pochette toujours censurée en Espagne 50 ans après – avec des titres TRÈS orientés sur la drogue (Brown Sugar qui est donc une référence au shit, Wild Horses qui évoque un retour de coma de Jagger sous cachetons, Sister Morphine écrite en « duo » avec Marianne Faithfull, bon ben voilà…). Mick Taylor apporte une valeur ajoutée à la slide sur des titres tels que Sway et Moonlight Mile, ainsi que le débutant Ry Cooder sur Sister Morphine. Mais la collaboration la plus fantasmée parce qu’elle n’a pas été retenue sur le mix final – et quand on écoute la version de 2015, on comprend pourquoi –, c’est le solo dispensable d’Eric Clapton sur Brown Sugar. Limite, le saxo de Bobby Keys a rendu le morceau iconique en lui-même.

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3 – Marvin Gaye – What’s Going On (mai)

L’album a été inclus dans ma discothèque familiale avec la charretée du 36e anniversaire, quand je me suis offert avec Let’s Get It On (1973), Midnight Love (1982) et le fameux You’re The Man (1972-2019) qui était considéré comme perdu et puis Oh ! Salaam Remi retrouve ça en rangeant chez lui. Et clairement, cet album concept est un chef-d’œuvre du genre. Marvin Gaye est à l’époque en pleine dépression suite à la mort de sa duettiste Tammi Terrell en 1970 et a décidé de dire merde à son beau-frère Berry Gordy, directeur de la Motown. Stimulé par les droits civiques, il décide de faire un album sur l’écologie, l’amour du prochain, les inégalités sociales et la guerre du Vietnam. Berry Gordy a finalement accepté l’album, pensant qu’il biderait. Sauf qu’en un an, il s’est vendu à 2 millions d’exemplaires et qu’il est encore considéré cinquante ans après comme un des albums majeurs du XXe siècle.

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4 – Paul McCartney – Ram (mai)

Dans un contexte de séparation du groupe le plus influent du XXe siècle, où Macca croyait s’imposer pour de vrai avec la sortie de son premier album solo qui se fera finalement surpasser par le All Things Must Past de George Harrison, il s’enferme dans sa ferme écossaise avec Linda pour écrire de nouvelles chansons. Puis il part à New York pour les enregistrer. Ce deuxième album solo est aussi le premier enregistré avec d’autres musiciens, mais les Wings ne sont pas encore constitués. Il est marqué globalement par son seum légendaire envers John Lennon au plus haut de leur relation conflictuelle – si bien que Lennon lui répondra dans Imagine par How Do You Sleep?. Si l’album ne reçoit pas un succès critique de suite, il devient pourtant très vite numéro 1 en Angleterre au point de déclasser Bridge Over Trouble Water de Simon & Garfunkel. Finalement, quand on recontextualise l’album dans la carrière de McCartney, Ram est considéré comme un de ses meilleurs.

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5 – Isaac Hayes – Shaft (juillet)

Dans la perspective de la lutte pour les droits civiques à la fin des années 1960 aux Etats-Unis est née un phénomène culturel qui a fortement influencé le cinéma des années 1970 : la blaxpoitation. Les nuits rouges de Harlem (Gordon Parks, 1971) est considéré comme la matrice de ce genre : un héros afro-américain à moralité positive, un casting majoritairement afro-américain… Il fallait donc une musique détonante pour accompagner ça : le funk, largement popularisé par James Brown dans la décennie précédente, mais qui retrouve un nouveau souffle sous la houlette d’Isaac Hayes. Le thème est devenu tellement iconique avec sa pédale wah-wah que Theme From Shaft reçut l’Oscar de la meilleure musique de film originale en 1972.

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6 – The Who – Who’s Next (août)

[Digression]

Je rédige cet article en date du 11 octobre 2021, date du 66e anniversaire putatif de mon parrain qui est parti vers d’autres cieux il y a déjà 3 ans. Si Who’s Next est si important à mes yeux, et si je ne peux pas l’écouter sans avoir les yeux mouillés, c’est qu’il fait partie des albums qui ont forgé ma relation avec lui, avec Brothers In Arms de Dire Straits (1985). Voilà, pardon pour cette digression, mais je ne pourrai évidemment pas être objective concernant cet album.

Au départ devait être un opéra-rock, Lifehouse, qui devait être la suite de Tommy (1969). Mais ce projet est tombé à l’eau, malgré les démos qu’avait enregistrés Pete Townshend dans son studio, ce qui le conduit à faire une tentative de suicide. Malgré tout, cela n’a pas empêché Pete Townshend de recycler ses créations pour ce projet dans la discographie des Who jusqu’à la mort de Keith Moon en 1978. Le groupe s’est alors réuni auprès de l’ingénieur du son Glyn Jones pour enregistrer des chansons très novatrices, intégrant notamment des claviers sériels ou des ruptures de structures rythmiques et mélodiques. Résultat : non seulement l’album s’est imposé en Angleterre, mais est arrivé 4e du Billboard en restant classé 42 semaines. Cet album est devenu un tel classique aux Etats-Unis que le producteur Jerry Bruckheimer a décidé d’utiliser des chansons issues de Who’s Next comme génériques des spin-offs des Experts (Won’t Get Fooled Again pour Miami et Baba O’Riley pour Manhattan).

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7 – John Lennon – Imagine (septembre)

Imagine fait partie des albums que je connais par cœur et qui font partie de mes sources d’inspirations quand j’ai eu à composer pour mon propre album. Dans la discothèque familiale, on a le CD, le DVD, le vinyle et même le 5.1. Tout dans cet album est fantastique, que ce soit les documents de travail, la moindre respiration, les indications de Lennon aux autres musiciens, et nous ne pouvons que remercier Yoko Ono et Sean Lennon pour le travail d’exégèse fourni.

Même si la chanson-titre est galvaudée à souhait (au point que Lennon lui-même avouera par la suite It’s just a f*cking song), Imagine est un véritable travail de mise à nu de John Lennon avec des vrais morceaux cathartiques qui prennent aux tripes (Jealous Guy, Oh My Love, How?, I Don’t Want To Be A Soldier). Si la majeure partie de l’album a été enregistrée en Angleterre, dans la propriété des Lennon-Ono, avec pas moins de seize musiciens de studio, les cordes ont été enregistrées à New-York. Au final, ce deuxième album solo est tellement devenu un objet de culte – et c’est entièrement mérité, tant il est en effet sans aucune faute de goût – qu’il est devenu une référence tant musicale que philosophique. Le problème étant qu’il a un peu essentialisé la carrière de Lennon en solo, si bien qu’on ne s’est pas penché sur sa suite de carrière (alors que Double Fantasy (1980) mérite mieux que sa réputation d’album gnan gnan).

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8 – Cat Stevens – Teaser And The Firecat (octobre)

Dernier volet de la trilogie du chanteur après son année d’interruption due à la tuberculose, cet album est porté par cette sublime mise en musique de Morning Has Broken sur un poème d’Eleanor Farjon et un piano de Rick Witherman. En même temps que cet album, Cat Steven a aussi illustré un livre pour enfants du même nom, qui est malheureusement introuvable à l’heure actuelle. Teaser And The Firecat, à son époque, a même dépassé en termes de ventes Tea For The Tillerman (1970), dont la postérité à l’heure actuelle est pourtant plus notable.

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9 – Led Zeppelin – Led Zeppelin IV (novembre)

Pour son quatrième album, le groupe n’avait pas envie d’indiquer le nom du groupe ni un éventuel titre d’album. C’est pour cette raison que les membres se représentent avec quatre logos et démerdez-vous avec ça. Cela a été décidé suite au bide relatif de Led Zeppelin III en 1970. Formellement, cet album est un digest du groupe avec des chansons éternelles telles que ma deuxième chanson préférée de tous les temps, mais aussi un truc aussi sale que When The Levee Breaks, sans oublier Black Dog ou Rock And Roll. C’est l’album qui a permis à lui seul de placer Led Zeppelin dans mon panthéon personnel, même si, avec le temps, et en ayant analysé en profondeur la discographie du groupe pour mon plus grand malheur, je commence à lui préférer Led Zeppelin I pour la forme. Malgré tout, vous voulez faire découvrir Led Zeppelin à quelqu’un sans prendre de risque, Led Zeppelin IV est la meilleure des portes d’entrées.

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10 – David Bowie – Hunky Dory (décembre)

Après un The Man Who Sold The World (1970) avec une production limite heavy metal, David Bowie revient à des sonorités plus douces, notamment avec des pianos et des cordes majoritaires dans les arrangements. Cordes qui ont été arrangées par le guitariste Mick Ronson, relativement saoulé après The Man… Vu qu’il a bidé avec son groupe, il a dit oui quand Bowie l’a appelé pour son nouveau projet en mars 1971. Une autre nouveauté s’est installée sur Hunky Dory : David Bowie avait déjà des démos enregistrées par lui-même s’accompagnant à la guitare alors que, pour The Man…, les chansons étaient construites au fur et à mesure. Il s’est également impliqué davantage dans la production du disque, assistant même l’ingénieur du son.

Le résultat a donné des grands classiques de l’artiste tels que Changes ou encore Life On Mars? que je ne peux plus écouter sans pleurer depuis que Oüi FM l’a diffusée pour annoncer le décès de l’artiste le 11 janvier 2016.

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.