Aujourd’hui, mardi 29 novembre 2011, nous célébrons le décès de George Harrison, deuxième avatar du groupe mythique à nous quitter, après John Lennon le 8 décembre 1980. Même si ce Beatle-là a été plus discret que le mastodonte bicéphale Lennon-McCartney, il a su imposer sa patte artistique sur les derniers albums du groupe et faire une carrière artistique assez conséquente.
Cette petite commémoration m’a fait réfléchir sur l’apport des Beatles à l’histoire de la musique. En effet, si la musique classique est encore et toujours privilégiée dans l’enseignement et qu’en termes de mémoire collective, il est encore difficile de voir les apports de la musique créée à partir de la seconde moitié du XXe siècle, je pense qu’il est temps que des historiens commencent à réfléchir aux œuvres qui seront retransmises dans les siècles des siècles.
Oui, je sais, ce que j’avance comme idée est très ambitieux. En effet, du temps de Mozart, Vivaldi, Beethoven, personne ne se serait permis de décréter que leurs œuvres seraient retransmises pour les générations futures. D’une part, parce que les moyens d’enregistrement des œuvres que nous connaissons à l’heure actuelle n’existaient pas à l’époque – c’est tout un art d’enfoncer des portes ouvertes comme je le fais, croyez-moi ! –, d’autre part, parce que l’archivage étant ce qu’il était, beaucoup d’œuvres retransmises sur papier ont disparu dans les incendies, les dégâts des eaux, les palimpsestes… Et encore, ce n’est pas parce que les œuvres ont été conservées qu’elles ne sont pas à l’abri de l’oubli.
L’avantage des différents supports d’enregistrement phonographiques que nous connaissons est donc d’avoir pu élargir l’auditorat pour aviver une mémoire collective de la musique. Il n’y a plus besoin de lire les portées ou de dépenser des fortunes dans des concerts pour avoir accès à toutes les œuvres proposées. Désormais, n’importe qui a accès à un groupe de K-Pop ou au dernier titre en exclusivité de Muse. Seulement, la mémoire collective mondiale, comme elle aura du mal à se souvenir de toutes les œuvres populaires qui se sont retransmises au fil des siècles dans les différentes civilisations, aura à choisir ses œuvres comme témoins de la civilisation que nous traversons actuellement.
Et, selon moi, s’il y a bien un style musical qui est témoin de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, c’est la brit-pop. Plus que le rock’n’roll et le jazz américain, plus que la musique électronique synonyme de crise apocalyptique post-Trente glorieuses, la brit-pop a su rassembler le plus grand nombre de personnes autour d’une même musique. Et devinez avec quel groupe on a su radoucir le rock en Europe pour plaire aux midinettes ? Je vous le donne en mille : Les Beatles, effectivement ! Comme Stravinsky avec son Sacre du Printemps, qui choqua à son époque par tant de modernité, les Beatles ont su s’affranchir de la musique qui se faisait jusqu’alors pour faire un son à la fois vraiment révolutionnaire et mainstream.
En 2011, une épopée comme celle de John, Paul, George et Ringo nous est habituelle. Le fait même qu’ils aient révolutionné la musique peut aujourd’hui nous faire sourire. Mais demandez ne serait-ce qu’aux personnes qui sont nées avant 1945 : en 1962, rien qu’avec A hard day’s night, les Beatles ont tout pété. C’était encore une époque où la civilisation occidentale était encore triomphante sur le monde, mais préparait déjà son déclin avec les décolonisations. L’arrivée de la brit-pop peut alors se traduire comme le dernier sursaut d’orgueil de la civilisation occidentale dominante pour continuer à régner sur le monde tel qu’elle le faisait auparavant sur le plan économique et géopolitique.
Qu’est-ce qu’on en retient, cinquante ans après ? La brit-pop, non contente de truster les premières places des hit-parades mondiaux avec des groupes comme Coldplay, Muse ou encore The Babyshambles et Metronomy (oui, pour moi, c’est de la pop), connait des adaptations à toutes les sauces, que ce soit la pop FM américaine ou les avatars des pays émergents d’Asie (J-Pop, K-Pop…) et d’Amérique Latine. La chanson pop touche tout le monde, sans distinction de classes. Et c’est cette standardisation des goûts musicaux qui a également accéléré la globalisation que l’on connaît en 2011.
Plus qu’un groupe de musique, les Beatles ont été un véritable fait de civilisation. C’est pour cette raison qu’au même titre de grands politiciens ou de grands auteurs, ils ont leur place dans les livres d’histoire. A moins que l’histoire qui s’annonce ne leur donne tort, ils ne sont pas près de tomber dans l’oubli, comme la plupart des artistes que nous connaissons à l’heure actuelle.
laurent a dit:
La 1ère chose qui me frappe sur le plan musical, chez les beatles,; c’est le nombre sans proportion d’inventions, d’idées, d’audaces, de subtilités harmoniques, rythmiques, sonores, dans chacune de leur oeuvre , relativement
à ce qui suffit à être considéré comme une chanson, pour la plupart des mortels; En même temps, ils ont su concilier tout un travail élaboré, avec possibilité pour tous , non seulement d’y accéder, mais en outre, d’éprouver la beauté de l’œuvre; A ma connaissance, seul le groupe Abba, a su atteindre une sorte de science de la composition et de l’interprétation, comme l’ont fait les beatles; Ces 2 groupes ont laissé une œuvre qui vaut , si on parvient à l’analyser, de cours pour enseigner la chanson; non pas que d’autres artistes, n’aient pas composé des merveilles; mais rarement d’une manière aussi infaillible que ces 2 groupes. Mais tout particulièrement chez les beatles; chaque œuvre peut constituer un genre de musique.
laurent a dit:
On s’est exercé à vouloir démêler, des œuvres signées: « Lennon -Mac Cartney », à qui elles appartenaient en propre…mais si l’idée de départ, était bien celle de l’un, si Lennon et Mac Cartney dans leur carrière solo, n’ont jamais égalé les œuvres co-signées;c’est bien que 1+1 ne font ni 2, ni 4 en art; mais nous font changer de planète. En chimie; le mélange de 2 corps en donne un troisième qui n’a plus rien à voir avec les corps simples desquels il a , pourtant, été formé. De plus; il y a l’apport du groupe, et George Martin….bref ! ils ont fait passer un art populaire mineur (la chanson); au niveau d’un art populaire universel, et majeur. Ils ont brouillé tous les repères:. :Volume sonore, cri, masculin-féminin, jeune-vieux, animal-homme, tous les sons, tous les genres de la musique: classique, moderne, pour l’avenir, en créer de nouveaux, prolétaire-aristocrate, passé-présent-futur, recherches sur le rythme et la mélodie, le son (sans perdre le sens de la mesure comme le chant grégorien qui éliminait le rythme, ou le rap qui élimine la mélodie pour imposer un rythme pauvre et d’une répétition monotone, avec la différence entre les 2: le chant grégorien, est de la musique, qui invente la mélodie., quand le rap n’est même pas de la poésie; il est de la parole scandée (souvent grossière, agressive, du côté de la guerre, et non de l’amour, difficulté à dépasser la question de la couleur de la peau., de l’identité.la folie qui s’exprime, et non le génie.)
On a changé de peuple ! l’occident s’ouvrait à tout le monde, quand le rap ethnicise la musique….mais l’électronique a rendu possible et presque facile de créer des œuvres aussi complexes que celles des Beatles…mais voilà…notre époque vient après, et tout le monde n’a pas le talent, la voix, etc….nous ne sommes plus à l’époque de Christophe Colomb; le monde est exploré, surpeuplé, les possibilités harmoniques, rythmiques, ont été explorées…notre époque travaille le son, innove grâce à la technique….mais tourne plutôt en rond .
storiadimedioevo a dit:
Je ne suis pas d’accord concernant le rap. Une partie des textes est certes agressive, mais je ne renierai pas certains textes de Nas, d’IAm ou d’Oxmo Puccino, voire même de Keny Arkana qui interroge le système éducatif de manière hardcore, certes, mais consciente.
laurent a dit:
Merci Storia, pour ta lecture bienveillante et instructive sur quelques auteurs de rap.
Il est toujours bon de défendre ce que l’on aime. Quant au système éducatif, certes il traumatise et ceux qu’il dévalorise, et bon nombre de ceux qu’il a valorisés et qui attribuent aux diplômes bien plus d’importance qu’ils n’en ont. ….pourtant malgré toutes les critiques fondées, il reste un espoir de développemeht, de libération pour ceux qu’une dictature opprime.